Malgré les 3 milliards investis à l'aéroport Montréal-Trudeau depuis 20 ans, les voyageurs et les avions y sont toujours à l'étroit à cause de la croissance du trafic, plus importante que prévu. La situation est telle qu'Aéroports de Montréal (ADM) projette la construction d'une nouvelle aérogare à Dorval.

Nouvelle aérogare

«Si la tendance se poursuit, ce qui est hautement probable, le trafic approchera les 20 millions de passagers vers 2020», indique ADM dans son rapport annuel, publié hier à l'occasion de son assemblée annuelle. L'an dernier, Montréal-Trudeau a accueilli plus de 16 millions de passagers, un record. «À moyen terme [10 ans], il y aura à Montréal-Trudeau un terminal qui sera situé, selon nos plans actuels, entre les deux pistes. Mais il reste beaucoup de calculs et de financement à faire», affirme le nouveau PDG d'ADM, Philippe Rainville. À terme, un tunnel relierait ce terminal à l'aérogare principale.

Autobus

Montréal-Trudeau compte une soixantaine de portes d'embarquement, avec les six ajoutées à la jetée internationale l'an dernier, au coût de plus de 300 millions. Au cours de l'«hyperpointe» de cet été, en août, ce sera toutefois insuffisant. Pour certains vols, les passagers devront donc descendre sur le tarmac et embarquer dans des autobus pour atteindre l'aérogare. Ces autobus s'ajouteront aux «passerelles mobiles» utilisées depuis des années. M. Rainville rappelle que Montréal-Trudeau croît de plus de 5% par année depuis 2009, soit bien davantage que les prévisions de 2 ou 3%. «Je dois m'autofinancer, alors c'est sûr qu'on va mettre des autobus pendant un bout de temps», lance le dirigeant.

Train de la Caisse

Comme le futur Réseau électrique métropolitain (REM) de CDPQ Infra arrivera à Montréal-Trudeau par le nord et non par le sud comme on le prévoyait, la gare de 25 millions qu'ADM a fait construire sous l'hôtel Marriott ne jouera probablement jamais ce rôle. Pour l'utiliser, il faudrait que le REM passe sous la tour de contrôle, qui est érigée sur pilotis. «Avec les vibrations de la construction, c'est trop risqué», souligne Philippe Rainville. La gare sera donc construite sous le stationnement étagé situé en face des débarcadères. On ne sait pas encore qui paiera: ADM ou CDPQ Infra.

Débarcadères

Il y a un an, ADM prévoyait dévoiler cette année les plans de la modernisation de l'édifice central de l'aérogare, de la reconstruction des débarcadères et de l'agrandissement du stationnement étagé. Le REM a contraint ADM à revoir sa planification, de sorte que M. Rainville espère désormais présenter son projet au début de l'an prochain. En attendant, ADM effectue du «patchage» sur les débarcadères actuels, qui sont «en fin de vie utile». Pour ce qui est de la gare sous l'hôtel Marriott, elle est actuellement utilisée comme stationnement. Dans quelques années, elle pourrait aussi servir d'entrepôt de bagages pour les passagers qui ont de longues correspondances.

Douane

En réaction aux longs temps d'attente subis par les voyageurs depuis plusieurs mois, ADM investira 14,2 millions pour apporter des améliorations. On réorganisera le hall des douanes, définira de «nouveaux parcours» pour les voyageurs, affichera les temps d'attente et créera une « équipe dédiée pour faciliter le flux des passagers». ADM aménagera également un endroit où l'on séparera les passagers en correspondance de ceux qui terminent leur voyage à Montréal. ADM ne s'engage cependant pas à respecter systématiquement la cible maximale de 20 minutes d'attente. «Cet été, au mois d'août, ça va être très difficile», admet M. Rainville.

Privatisation

Philippe Rainville reprend la position de son prédécesseur, James Cherry, et se dit ouvert à la privatisation des aéroports. Mais pas à n'importe quelle condition: ADM emprunte actuellement à un taux d'intérêt d'environ 4% grâce à la garantie du gouvernement fédéral, un taux qui pourrait doubler en cas de privatisation. «Pourquoi on vendrait nos actifs si c'est pour payer plus cher en frais financiers? Il n'y a pas de logique à ça. Mais si, dans la privatisation, on gagnait [une réduction] du loyer [versé à Ottawa] et qu'on allait chercher d'autres bénéfices, ça pourrait être intéressant.» Après avoir longtemps jonglé avec la privatisation, le premier ministre Justin Trudeau a récemment semblé exclure l'idée.

Mirabel

Privatisation ou non, ADM souhaite convaincre Ottawa d'abaisser le loyer de l'aéroport de Mirabel, qui est calculé selon les règles des aéroports de grande fréquentation alors qu'il ne reçoit que 13 000 mouvements d'aéronefs par an contre 225 000 à Montréal-Trudeau. «On sauverait plus d'un million par année», note M. Rainville. Déficitaire, l'aéroport des Basses-Laurentides a eu droit à pas moins de 100 millions de dollars d'investissements au cours des deux dernières années, dont 60 millions pour la reconstruction de sa piste principale et 25 millions pour la démolition de l'ancienne aérogare. «Tout ça nous donne 0% de rendement», déplore le PDG.