Le ministre fédéral de l'Innovation, Navdeep Bains, se dit «frustré» et «déçu» par la forte hausse de rémunération des hauts dirigeants de Bombardier, mais il ne se prononce pas clairement à savoir si l'entreprise devrait en faire plus pour rectifier le tir.

«Clairement, comme plusieurs Canadiens me l'ont exprimé directement, à l'entreprise et en public, il y a une profonde frustration et ils sont déçus. Je partage cette frustration et cette déception», a déclaré M. Bains lundi matin en marge d'un événement organisé par Aéro Montréal.

Le ministre s'est toutefois montré plus circonspect lorsqu'on lui a demandé si Bombardier devait aller plus loin pour calmer la grogne populaire.

«C'est difficile de spéculer, a dit M. Bains. La compagnie a plusieurs actionnaires, dont le gouvernement fédéral et Québec. Elle a la responsabilité d'être sensible (aux critiques).»

 «Il semble que l'entreprise fasse de son mieux pour répondre [au tollé], a-t-il soutenu. Nous allons voir comment la situation évolue.» Il a glissé que Bombardier devrait envisager une «approche différente», sans toutefois donner plus de détails.

De son côté, la ministre québécoise de l'Économie, Dominique Anglade, a affirmé que Bombardier avait «besoin d'entendre ce que la population avait à dire», ajoutant que la proposition annoncée la veille par l'entreprise reflétait «cette compréhension».

«Je pense que ce qu'ils ont présenté reflète le fait qu'ils ont compris le message de la population, a-t-elle affirmé au cours d'une mêlée de presse. Je crois qu'ils ont entendu les Québécois dans les gestes qu'ils ont posés.»

Celle-ci n'a pas voulu dire si elle était à l'aise de voir les dirigeants de la société conserver leurs primes de rendement en argent alors qu'elle a affiché une perte nette de 981 millions de dollars US l'an dernier et que ses revenus ont reculé.

Les deux ordres de gouvernement ont refusé de préciser si le constructeur d'avions et de trains devrait aller encore plus loin pour calmer la grogne.

La multinationale québécoise est au centre d'une tempête depuis qu'elle a dévoilé une hausse de 48 % de la rémunération consentie à ses six plus hauts dirigeants pour 2016, laquelle totalise 32,4 millions US. Dimanche soir, le PDG Alain Bellemare a annoncé le report de 2019 à 2020 du versement de la composante variable de cette rémunération, qui représente plus de 50 % du total.

Rappelons que jeudi, le premier ministre Justin Trudeau avait refusé d'intervenir dans ce dossier, disant respecter la «libre entreprise».

Le PQ maintient sa motion

Malgré le report annoncé par la direction de Bombardier sur les hausses salariales de ses dirigeants, l'opposition péquiste maintient la pression et déposera mardi comme prévu sa motion visant à faire annuler ces hausses.

Soulignant que l'entreprise est «un fleuron de l'industrie québécoise», la motion indique que «l'importante aide financière de l'État à l'entreprise aurait dû limiter l'octroi de bonis aux dirigeants». Elle demande à tous les dirigeants de Bombardier de renoncer à l'augmentation de leur rémunération et invite le premier ministre Philippe Couillard à faire «une demande formelle en ce sens à la direction de l'entreprise».

Le Parti québécois dit déjà avoir l'appui de la Coalition avenir Québec et de Québec solidaire.

«On s'est fait un peu rouler dans la farine», a dit le député péquiste Pascal Bérubé, lundi matin.

«Moi je vais rappeler qu'on a perdu des milliers d'emplois, que l'action est descendue de façon considérable, que l'entreprise était près de la faillite. C'est comme si quelqu'un nous demandait de l'argent pour son loyer et son épicerie, puis il décidait de partir sur la rumba en augmentant ses conditions personnelles», a-t-il ajouté.

«Pour en débattre, ça prend l'approbation du gouvernement, alors j'ai hâte de voir la réponse. Mon homologue Jean-Marc Fournier était à la manifestation hier (dimanche). S'il est si préoccupé par la grogne des Québécois et l'augmentation de salaires des cadres de Bombardier, il va dire à ses troupes de l'approuver. Il y a un test demain, un test sur la capacité de l'Assemblée nationale de parler d'une seule voix dans un enjeu qui touche pour vrai les Québécois», a dit M. Bérubé.

Pour sa part, l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA) a «accueilli favorablement» le «geste d'ouverture et de flexibilité» fait par Bombardier.

Son coordonnateur québécois, David Chartrand, a toutefois souligné que les événements des derniers jours rappelaient que le gouvernement Couillard n'avait pas pris soin d'aménager des clauses spécifiques avant d'aider l'avionneur en investissant dans la CSeries.