Le président du Comité des ressources humaines et de la rémunération de Bombardier a voulu « rétablir les faits » sur la hausse de salaire consentie à des membres de la haute direction de l'entreprise, à laquelle a renoncé vendredi le président exécutif du conseil d'administration.

Dans une lettre ouverte, Jean C. Monty expose que « la capacité de Bombardier à livrer concurrence et à gagner dans un marché mondial très compétitif dépend de sa capacité à attirer et à retenir une équipe de hauts dirigeants de calibre international ».

Plusieurs ont jugé que le montant global de 32,6 millions de dollars US - en hausse de 50 % sur un an - octroyé aux six plus hauts dirigeants du constructeur d'avions et de trains était indécent, alors que Québec a injecté 1,3 milliard dans la CSeries et que le gouvernement Trudeau vient de consentir un prêt de 372,5 millions. De surcroît, Bombardier devrait avoir éliminé quelque 14 500 postes à travers le monde d'ici la fin de l'année 2018 dans le cadre de son plan de redressement.

Face au tollé provoqué par ces augmentations de salaire, Pierre Beaudoin a annoncé, vendredi, qu'il abaisserait sa rémunération au niveau de 2015. Celui-ci avait alors touché un salaire total de 3,85 millions de dollars US - ce qui comprend notamment les options sur des actions, les primes, ainsi que la valeur du régime de retraite.

Les politiques de rémunération doivent refléter la nature internationale de l'entreprise, de même qu'« aligner le salaire sur la performance », soutient M. Monty, qui a aussi tenu à souligner que plus de la moitié des 32,6 millions US initialement annoncés étaient conditionnels à l'atteinte de certaines cibles.

M. Monty, ex-président du conseil et chef de la direction de Bell Canada Entreprises, a conclu sa lettre intitulée « La compensation de Bombardier est entièrement conçue pour créer de la valeur » en se disant « convaincu » que les pratiques de rémunération de la multinationale sont « saines ».

En considérant la diminution de salaire de M. Beaudoin, les six plus hauts dirigeants de la société toucheraient une rémunération globale de 31,2 millions de dollars US pour l'exercice 2016, ce qui représente une augmentation de 43 %. Certains patrons ont été embauchés à des moments différents en 2015, ce qui fait en sorte qu'ils n'ont pas été rémunérés pour l'ensemble de l'année.

« La confiance de nos concitoyens et celle de nos gouvernements sont extrêmement importantes pour l'entreprise et pour moi », a indiqué M. Beaudoin. »Il est clair que la situation a dévié l'attention qui était portée sur le travail important réalisé par nos employés et notre haute direction pour que cette formidable entreprise renoue avec la croissance. »

M. Beaudoin devait initialement toucher 5,25 millions US, soit 36 % de plus qu'en 2015.

Selon le directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP), Michel Nadeau, les présidents de conseil ailleurs au Canada gagnent en moyenne 350 000 $ par année.

Quant au salaire global du président et chef de la direction, Alain Bellemare, il s'était élevé à 9,5 millions US en 2016, comparativement à 6,4 millions US l'année précédente.

Photo Alain Roberge, Archives La Presse

Le président du Comité des ressources humaines et de la rémunération de Bombardier, Jean Monty

Le contenu intégral de la lettre ouverte

Au cours des derniers jours, beaucoup ont critiqué la rémunération de l'équipe de la haute direction de Bombardier. Le grand absent de ce débat est le contexte qui justifie notre politique de rémunération basée sur la performance et la façon dont cette politique a été appliquée pour l'année 2016. À titre de président du Comité des ressources humaines et de la rémunération de Bombardier, j'écris pour fournir ce contexte et rétablir certains faits.

Bombardier est aujourd'hui une entreprise de haute technologie générant des revenus de 16 milliards de dollars. Elle croît et est en voie d'atteindre des revenus de 25 milliards de dollars d'ici 2020. C'est la plus grande entreprise industrielle au Canada, le navire amiral de l'industrie aéronautique canadienne, et elle emploie plus de 66 000 personnes dans le monde. Plus de 80 % de ses revenus sont générés par les ventes qu'elle réalise hors du Canada et nous exerçons nos activités dans plus de 70 pays.

La capacité de Bombardier à livrer concurrence et à gagner dans un marché mondial très compétitif dépend de sa capacité à attirer et à retenir une équipe de hauts dirigeants de calibre international ; une équipe basée au siège social, situé à Montréal, et composée des meilleurs talents du Canada et d'ailleurs. Nous avons passé en revue au cours des dernières années les politiques de rémunération de Bombardier pour mieux refléter la nature internationale de notre entreprise ; et nous la reflétons. Nous le savons car nous comparons la structure de rémunération de notre haute direction à celle d'autres entreprises publiques de taille et d'envergure similaires ; les entreprises avec lesquelles nous nous battons pour les meilleurs talents.

Un autre principe directeur qui nous guide est d'aligner le salaire sur la performance, celle qui crée de la valeur à long terme pour les actionnaires. La majeure partie, soit 75 %, de la rémunération de nos hauts dirigeants n'est pas garantie. Au contraire, elle est basée sur des cibles précises à court et à long terme ; environ 22 % sur des objectifs à court terme et 53 % sur des objectifs à long terme.

Par exemple, ce qui n'a pas été signalé dans les médias, c'est que plus de la moitié des 32 millions de dollars de rémunération des membres de la haute direction énumérés dans notre circulaire de sollicitation de procurations 2017 est conditionnelle à l'amélioration des performances de l'entreprise au cours trois prochaines années, au minimum. Si l'entreprise n'obtient pas de bons résultats, si le cours de ses actions n'augmente pas, si elle ne crée pas de valeur pour ses actionnaires, cette rémunération ne sera jamais versée aux hauts dirigeants.

Évidemment, nous souhaitons qu'elle le soit. Cela voudra dire que Bombardier a créé des milliards de dollars de valeur pour ses actionnaires ; qu'elle a garanti l'avenir de l'une des principales entreprises industrielles du Canada ; qu'elle a conservé et créé des milliers d'emplois de haute qualité ; et qu'elle a considérablement augmenté la valeur de l'investissement du Québec dans le C Series ainsi que celui de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans Bombardier Transport. Ceci signifiera aussi que Bombardier sera en mesure de continuer d'être un leader dans le soutien de la recherche et du développement des universités au Canada.

Beaucoup a été écrit sur le niveau d'augmentation de la rémunération de nos hauts dirigeants (comparant 2016 à 2015). Cette comparaison est pourtant inexacte, car elle ne tient pas compte du fait que les six hauts dirigeants énumérés dans notre circulaire 2017 ont pris leurs fonctions actuelles à divers moments entre février et décembre 2015. On ne peut comparer la rémunération pour une année partielle (2015) avec celle pour une année complète (2016). Comparer directement les deux nombres est inapproprié.

Ceci étant dit, en toute objectivité, l'équipe de haute direction de Bombardier a connu une année exceptionnelle en 2016, ce qui se reflète dans la réalisation de résultats dans le haut de la fourchette de nos prévisions financières et dans l'atteinte des jalons de tous nos programmes. Par exemple, l'entreprise a certifié les deux modèles d'avion C Series, lesquels sont maintenant en service. Elle a amélioré considérablement son carnet de commandes avec les commandes d'Air Canada et de Delta. Le jet d'affaires Global 7000 a également effectué son premier vol et devrait entrer en service l'année prochaine comme prévu. Ces réalisations, et beaucoup d'autres, ont placé Bombardier en position de générer des résultats solides et durables pour l'avenir.

À titre de président du comité de rémunération de Bombardier, je suis convaincu que nos pratiques de rémunération sont saines et qu'elles reflètent notre besoin d'attirer et de retenir les meilleurs talents d'ici et du monde entier.

Jean C. Monty

Président

Comité des ressources humaines et de la rémunération, Bombardier Inc.