Le gouvernement devrait retirer les deux traversiers en cours de construction à Chantier Davie pour qu'ils soient terminés dans un autre chantier maritime. Pour sortir d'un gouffre financier, cette solution, en apparence simple, est difficile à mettre en oeuvre.

Selon les informations réunies par La Presse, la Société des traversiers du Québec avait retenu les services de Fisher Maritime, société de consultation du New Jersey. Les experts recommandent de sortir les deux navires de Davie, même incomplets. Deux ans après l'échéance prévue, l'un est terminé à 85 %, l'autre est à moitié construit.

Cette semaine, le cabinet du ministre des Transports, Laurent Lessard, confirmait avoir reçu une autre étude sur les dérapages du chantier de Lauzon, celle-là réalisée par PricewaterhouseCoopers. M. Lessard a refusé toutefois d'en divulguer les conclusions, mais des sources fiables rapportent que le verdict n'est pas aussi catégorique que celui des Américains.

Québec est un peu l'otage de Davie, explique-t-on, car le transfert des navires incomplets est parsemé d'embûches. Les autres chantiers au Québec font davantage de la réparation que de la construction maritime. Envoyer le travail au chantier Irving, l'éternel concurrent de Davie, soulèverait une tempête politique dans la région de Québec, où le Parti libéral est déjà mal en point.

En outre, terminer les bateaux ailleurs entraîne des coûts supplémentaires. Enfin, le chantier qui terminera le travail entamé ailleurs ne voudra pas honorer la garantie habituelle sur la fiabilité du navire, explique-t-on.

DÉPASSEMENTS DE COÛTS...

L'automne dernier, La Presse révélait que les navires qui devaient coûter 125 millions lors de l'attribution du contrat voguaient vers une facture supplémentaire de 100 millions. Le ministre Laurent Lessard avait commenté sans détour le dérapage financier : « On ne peut pas se tromper de 100 % ! »

Davie réclame 100 millions supplémentaires de Québec pour obtenir la livraison de ses navires qui faisaient pourtant l'objet d'un contrat « clés en main ». Davie avait ouvert une réclamation avant l'été. « Cela a été refusé, cela demeure une contestation », explique M. Lessard, concédant toutefois qu'il faudrait y consacrer davantage de fonds publics.

Une source proche des Transports explique que le contrat de gré à gré, accordé à Davie à l'époque, sabrait au maximum le prix - des évaluations internes au Ministère parlaient davantage de 200 millions que de 125, confie-t-on.

... ET RETARDS

À la question des dépassements de coûts s'ajoute celle des retards. À l'origine, les deux traversiers commandés pour faire le lien entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine devaient être livrés en 2015. Puis on s'était entendu pour juillet 2016. Davie avait indiqué qu'un premier navire serait prêt pour le 31 octobre dernier. Depuis, le chantier n'a pas progressé, bien que des représentants de la Société des traversiers se rendent sur les lieux chaque jour.

Le contrat avait été accordé « clés en main ». Davie devant livrer les deux bateaux pour 125 millions, mais par la suite, elle aurait prévenu qu'il faudrait 20 millions de plus. Le compteur s'est emballé depuis. Davie a confié à Marcel Aubut un mandat de lobbyiste pour « contribuer à solutionner les différends entre Davie et la Société des traversiers ».

Pour le constructeur, les modifications aux plans réclamées par la STQ ont fait grimper la facture. L'efficacité du chantier n'est pas en cause. Parallèlement, le chantier travaille sur un bateau d'approvisionnement de l'armée canadienne, contrat qui progresse conformément aux échéanciers et aux budgets, indique une source fédérale.

Davie pourrait être desservie si elle met trop de temps à sortir les fameux traversiers québécois. Des proches du chantier expliquent que le gouvernement fédéral devra donner inévitablement d'importants contrats pour la construction de brise-glaces. La flotte de la Garde côtière est désuète, les navires qui devaient naviguer 20 ans en sont à leur 36année d'existence.