Le Canadien National (CN) se retrouve au coeur d'une controverse. Pendant des années, l'entreprise montréalaise a surfacturé l'agence ontarienne de transport Metrolinx, concluent deux rapports récemment publiés.

Le dernier en lice a été produit par la Southern Investigative Reporting Foundation (SIRF), qui a mis au jour le scandale impliquant la société pharmaceutique Valeant et la pharmacie en ligne Philidor, l'an dernier, et pour lequel des accusations criminelles viennent d'être déposées aux États-Unis. Suivant sa publication, lundi, l'action du CN a reculé de 2,3 % à la Bourse de Toronto.

Le rapport, qui s'appuie sur une enquête de deux ans, conclut que le CN a engrangé des centaines de millions de dollars en profits grâce à des marges bénéficiaires dépassant parfois les 900 % sur des projets de construction réalisés pour Metrolinx.

« Le Canadien National utilisait Metrolinx comme un guichet automatique », accuse le rapport de la SIRF, intitulé « Canadian National Railway : The Great Railroad Construction Robbery ».

« Dans plusieurs cas, le Canadien National a facturé Metrolinx pour des travaux qu'il a faits pour ses propres projets de maintenance et d'expansion, ce qui lui a permis d'économiser des millions en dépenses », ajoute le rapport, lequel est accompagné de plusieurs courriels et documents internes du CN.

Un exemple concret : le CN a facturé 10 millions à Metrolinx pour construire un mille de voie ferrée alors que le coût normal, en incluant des « majorations » substantielles, s'élevait à tout juste 1,12 million. Pour un projet réalisé en 2008 pour Via Rail, le CN a facturé 3 millions par mille de voie ferrée.

VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE

Dans son rapport annuel, publié le 30 novembre, la vérificatrice générale de l'Ontario, Bonnie Lysyk, indique que Metrolinx a versé 725 millions au CN et au Canadien Pacifique au cours des cinq dernières années, soit 18 % de ses dépenses de construction. Or, « Metrolinx ne vérifie pas s'il obtient les travaux qu'il a payés et si les frais facturés sont raisonnables », peut-on lire dans le rapport.

La vérificatrice générale a aussi découvert que le CN a fait payer à Metrolinx des pièces recyclées au prix de pièces neuves, qui sont de 20 à 50 % plus chères, et qu'il a facturé à l'agence gouvernementale des taux de majoration « extrêmement élevés » sur la main-d'oeuvre et le matériel.

Ces taux atteignaient 138 % pour la main-d'oeuvre alors que la norme de l'industrie ferroviaire était de 64 % et de 69 % pour les pièces, contre 48 % dans l'industrie en général.

Pour un projet non spécifié dans le rapport, Metrolinx a comparé les frais de main-d'oeuvre facturés par le CN à ceux d'un projet semblable non réalisé par l'entreprise.

« On a constaté que les frais du CN étaient 130 % plus élevés que ceux de l'autre projet, sans cependant demander d'explication. » - Extrait du rapport de la Southern Investigative Reporting Foundation

« La vérificatrice générale a fait d'excellentes recommandations et nous sommes prêts à y répondre », a commenté Metrolinx dans une déclaration écrite, en refusant toutefois de réagir au rapport de la SIRF.

De son côté, le CN a reconnu avoir vendu des pièces recyclées au prix de pièces neuves, mais « dans quelques cas seulement ».

Dans un courriel, l'Agence métropolitaine de transport (AMT) a assuré qu'elle effectuait «un suivi régulier de la facturation et des exigences contractuelles qui la lie au CP et au CN en lien avec l'exploitation de son réseau».

Un porte-parole du CN, Pierre-Yves Boivin, a qualifié les constatations de la SIRF d'« allégations fausses basées sur des informations véhiculées par d'anciens employés qui ont été licenciés pour cause de fraude, y compris falsification de documents et détournements de fonds, et qui font l'objet poursuites en cours par le CN ».

M. Boivin a en outre soutenu que le rapport de la vérificatrice générale contenait « plusieurs informations erronées ». Le CN tente actuellement de faire valoir son point de vue auprès de l'institution.