Pas moins de 60 % des revenus de l'industrie du taxi échappent au fisc québécois, révèle un document du gouvernement obtenu en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics. C'est un taux d'évasion fiscale largement supérieur à ce qu'on trouve dans la restauration et dans la construction, deux secteurs ciblés en priorité par Revenu Québec.

Le document, préparé en vue de la rencontre fédérale-provinciale des ministres des Finances tenue en juin dernier à Vancouver, indique que le taux d'évasion fiscale atteint 18 % dans le domaine des bars et des restaurants et de 14 % dans celui de la construction. Ces statistiques, qui ne sont pas datées, sont des estimations réalisées par des économistes, a précisé hier un porte-parole du Ministère, Jacques Delorme.

L'industrie de la construction arrive au premier rang quand il est question de l'ampleur des sommes d'argent en jeu. L'évasion fiscale dans ce secteur représente 43 % de l'ensemble des pertes fiscales du gouvernement, contre 12 % pour celui de la restauration et à peine 2,1 % pour celui du taxi. 

Revenu Québec évalue à 72 millions par année les pertes fiscales dans le taxi et à 1,5 milliard celles dans la construction. L'évasion fiscale coûterait plus de 3 milliards par année au gouvernement.

Félix Tremblay, porte-parole du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi (CPCDIT), s'est montré étonné par le taux d'évasion fiscale de 60 %.

« On a besoin de plus de détails pour comprendre ce chiffre », a-t-il commenté hier.

Notons que depuis un an, les taxis montréalais doivent accepter les cartes de crédit, ce qui rend plus difficile la fraude fiscale.

IMPLANTATION DES « MOUCHARDS » RETARDÉE

Afin de contrer le problème, le gouvernement songe depuis quelques années à installer dans les taxis des modules d'enregistrement des ventes (MEV), surnommés « mouchards », comme on en trouve dans les restaurants et dans les bars. Ces appareils enregistrent toutes les transactions effectuées et les transmettent directement au fisc, ce qui empêche leur dissimulation.

L'an dernier, l'ex-ministre Robert Poëti envisageait une implantation des MEV dans les taxis dès cette année, mais le dossier est toujours à l'étude. Selon une source de l'industrie qui a requis l'anonymat, l'une des difficultés est de trouver un appareil suffisamment petit et abordable qui soit adapté aux véhicules taxis.

« Revenu Québec continue d'évaluer l'opportunité d'implanter une solution technologique dans le secteur du taxi pour lutter contre l'évasion fiscale », a indiqué une porte-parole de l'organisme, Geneviève Laurier.

« Un comité consultatif regroupant l'ensemble de l'industrie a été formé par Revenu Québec et nous poursuivons nos analyses. L'évasion fiscale amène une concurrence déloyale pour les exploitants du milieu du taxi qui respectent les lois fiscales. »

- Geneviève Laurier, porte-parole de Revenu Québec

Le Regroupement des travailleurs autonomes Métallos (RTAM), qui représente les chauffeurs et propriétaires de taxi, s'est déjà dit « ouvert » à l'installation de MEV dans les véhicules. « On a toujours été [favorables à cette mesure] », a quant à lui assuré M. Tremblay du CPCDIT.

Il a été impossible hier de joindre Benoit Jugand du RTAM, ou Jean Vachon, directeur des communications de Taxelco, la plus importante entreprise du secteur, propriétaire de Taxi Diamond, Taxi Hochelaga et Téo Taxi.

- Avec la collaboration de William Leclerc

Infographie La Presse

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