Boeing s'est retrouvé mardi dans le collimateur du président désigné Donald Trump qui a menacé d'annuler le contrat passé avec le constructeur aéronautique américain si celui-ci ne baissait pas le prix du futur avion présidentiel.

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«Boeing construit un Air Force One 747 tout neuf pour les futurs présidents, mais les coûts s'envolent, plus de quatre milliards de dollars. Annulez la commande!», a asséné sur Twitter le président élu américain.

«L'avion est complètement hors de contrôle. Cela va coûter plus de quatre milliards de dollars pour le programme Air Force One et je pense que c'est totalement ridicule. Boeing nous fait un petit tour de passe-passe. Nous voulons que Boeing gagne beaucoup d'argent, mais pas autant que ça», a-t-il lancé lors d'un bref échange avec la presse qui fait le pied de grue dans le hall de son QG de campagne à la Trump Tower de New York.

Boeing a répondu sobrement en expliquant que pour l'instant il est sous contrat à hauteur de 170 millions de dollars pour «déterminer ce que ces avions militaires, extrêmement complexes, qui servent les besoins uniques du président des États-Unis, sont capables de faire».

Le constructeur, qui n'a pas vraiment de concurrent sur ce créneau très particulier, a assuré continuer à travailler sur la suite du programme pour «permettre de livrer les meilleurs avions pour le président au meilleur prix pour le contribuable».

Fin janvier, l'armée de l'Air américaine avait passé le premier d'une série de contrats pour lancer le remplacement de l'appareil présidentiel à l'horizon 2024. Les deux exemplaires qui transportent actuellement Barack Obama et seront utilisés par Donald Trump avaient été commandés par le président Ronald Reagan et sont entrés en service au tout début des années 1990.

Air Force One, qui ne porte ce nom que quand le président est à bord, permet à l'homme le plus puissant du monde d'exercer toutes les prérogatives de son mandat pendant qu'il est dans les airs, y compris déclencher une frappe nucléaire.

L'US Air Force a prévu un budget total de trois milliards de dollars pour deux exemplaires de 747-8, mais ce genre de contrat est très rarement exécuté dans la limite de l'enveloppe initiale. Les militaires ont essayé de limiter les risques de dérapage en pratiquant une politique des petits pas sur les contrats du prochain Air Force One.

Fiasco

Il s'agit d'éviter la répétition du fiasco du contrat de l'hélicoptère présidentiel, Marine One.

En 2009, Barack Obama avait donné un coup d'arrêt à une commande de 28 appareils passée en 2005, après un quasi-doublement des coûts du programme à 11,5 milliards de dollars.

Les concepteurs du programme avaient été jusqu'à prévoir une cuisine intégrée résistant à une frappe nucléaire, un détail tourné en dérision par le président.

«Laissez-moi vous dire que si les États-Unis étaient attaqués à l'arme nucléaire, la dernière chose qui me viendrait à l'esprit serait de me faire un en-cas», avait ironisé Barack Obama.

Mais certains médias américains faisaient mardi aussi le lien avec des récentes déclarations du PDG de Boeing, Dennis Muilenburg, concernant la politique commerciale que pourraient suivre les États-Unis sous la direction de Donald Trump.

Selon des propos tenus il y a quelques jours et rapportés mardi par le Chicago Tribune (Boeing a son siège social à Chicago), M. Muilenburg a déclaré lors d'une conférence avec des industriels que «quiconque s'est intéressé à la récente campagne et aux résultats des élections sait que l'un des thèmes les plus importants était l'inquiétude sur la liberté et l'équité des échanges commerciaux».

Donald Trump a promis lors de la campagne et depuis son élection de revenir sur les accords de libre-échange signés par les États-Unis et d'éviter la délocalisation des emplois américains.

«Si nous ne prenons pas l'initiative pour établir les règles (du commerce international), nos concurrents le feront pour nous», a prévenu M. Muilenburg, indiquant que «pour Boeing, cela pourrait se solder en une augmentation des coûts, une perturbation de nos chaînes d'approvisionnement et des régulations qui nous empêcheront de vendre nos produits dans le monde».

Depuis son élection, Donald Trump s'est déjà attaqué de front aux entreprises américaines Ford et United Technologies, obtenant d'elles, en mélangeant menaces et incitations, qu'elles maintiennent des emplois aux États-Unis plutôt que de les délocaliser à l'étranger, notamment au Mexique.