Plongée dans l'incertitude quant à l'avenir du chasseur F-35 au Canada, sur lequel elle fondait de grands espoirs, l'industrie aérospatiale québécoise tente de se consoler en lorgnant les retombées qui découleront de l'acquisition d'avions Super Hornet.

Le gouvernement Trudeau a fait part mardi de son intention d'acheter 18 avions de chasse Super Hornet de Boeing. Il s'agit d'une solution provisoire, Ottawa se donnant encore jusqu'à cinq ans pour choisir l'appareil qui remplacera ses 77 CF-18 vieillissants : le Super Hornet, le F-35 de Lockheed Martin, le Gripen de Saab ou le Rafale de Dassault. Le Super Hornet est la deuxième génération de l'avion de combat F-18, connu au Canada sous le nom de CF-18.

Chez L-3 MAS à Mirabel, on rêve déjà de s'occuper de l'entretien des 18 futurs Super Hornet. « Ça fait plus de 20 ans que les travailleurs de L-3 MAS entretiennent les CF-18, a déclaré hier David Chartrand, coordonnateur québécois de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA). Ils ont démontré leur professionnalisme en rallongeant de plusieurs années l'espérance de vie des CF-18 et en obtenant des contrats semblables de la marine américaine et de l'Australie. »

PRUDENCE

De son côté, la PDG d'Aéro Montréal, Suzanne Benoît, s'est montrée prudente hier, se limitant à qualifier la décision d'Ottawa d'« encourageante » pour l'industrie québécoise. « Il nous faut attendre avant d'envisager les retombées concrètes qu'aura cette annonce pour nos entreprises, a-t-elle indiqué. Toutefois, Boeing a déjà affirmé dans le passé que des retombées industrielles et technologiques seraient accordées à des fournisseurs canadiens. Nous pouvons donc nous attendre à ce que l'entretien des appareils se fasse au Canada. »

En revanche, Boeing compte relativement peu de fournisseurs canadiens pour le Super Hornet à l'heure actuelle. La situation est différente du côté du F-35 : plus de 110 entreprises canadiennes ont décroché des contrats totalisant plus de 1 milliard de la part de Lockheed Martin. Il reste à voir si la maintenance d'éventuels F-35 canadiens serait effectuée au pays. Le précédent gouvernement n'avait pas donné de précisions à cet égard au moment d'annoncer son intention d'acheter 65 appareils F-35, en 2010.

« Il y a des questions de propriété intellectuelle qui pourraient empêcher que l'entretien des F-35 soit fait au Canada », a souligné M. Chartrand, dont le syndicat représente des travailleurs chez L-3 MAS.

L'industrie aérospatiale canadienne craint d'écoper si Ottawa renonce pour de bon au F-35. « Nous n'aurons pas d'autre choix que de relocaliser le travail réalisé au Canada » dans des pays qui participent au programme, a prévenu cet été Steve Over, responsable du développement des affaires à l'international pour le F-35, dans une entrevue à CBC.

« C'est sûr qu'il y a de l'inquiétude chez les travailleurs des entreprises qui ont décroché des contrats pour le F-35 », a confié David Chartrand.

Héroux-Devtek, l'un des principaux fournisseurs canadiens pour le F-35, n'a pas voulu commenter la décision d'Ottawa.