Les compagnies aériennes du monde pressent l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) d'adopter son tout premier régime de compensation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), mais elles n'excluent pas de refiler la facture aux voyageurs.

En vertu du système qui doit être adopté au cours des prochains jours, baptisé CORSIA, l'industrie aérienne compte plafonner son impact sur l'environnement à partir de 2020. Pour ce faire, les transporteurs devront acheter des crédits de carbone pour les émissions de GES qui dépasseront le seuil atteint en 2020.

Contrairement à ce qu'auraient souhaité de nombreux environnementalistes, la participation au CORSIA sera d'abord volontaire. Mais jusqu'ici, environ 60 États représentant 80 % du trafic aérien international, parmi lesquels le Canada, les États-Unis, les pays européens et la Chine, se sont engagés à prendre part à l'initiative. La Russie, l'Inde et le Brésil se font encore tirer l'oreille.

« Notre industrie est bien en avance sur les autres, alors on ne peut pas nous blâmer d'avoir une phase volontaire pour expérimenter quelque chose qui est totalement nouveau », a déclaré hier en conférence de presse Alexandre de Juniac, ancien PDG d'Air France et nouveau leader de l'Association du transport aérien international (IATA), qui représente 268 transporteurs de 117 pays.

JUSQU'À 24 MILLIARDS US PAR AN

Selon une évaluation de l'OACI, le CORSIA coûtera de 2,2 à 6,2 milliards US aux compagnies aériennes en 2025 et de 8,9 à 23,9 milliards US en 2035, en fonction de la fluctuation du coût des crédits de carbone sur le marché. Pour mettre ces chiffres en contexte, soulignons qu'en 2015, les transporteurs membres de l'IATA ont enregistré des profits nets de 35,3 milliards US sur des revenus totaux de 718 milliards US. L'IATA s'attend à ce que les profits nets frisent les 40 milliards US cette année.

Plus précisément, pour un vol Mexico-Buenos Aires en 2030, la compensation des émissions se chiffrerait entre 910 et 2357 $US. Une hausse modeste de 10 $US du baril de pétrole coûterait de deux à cinq fois plus cher à la compagnie aérienne, soit près de 5000 $US.

« Nous croyons que l'entente qui est sur la table est la façon la plus efficace pour l'industrie de faire face à son impact sur le climat », a affirmé Paul Steele, secrétaire exécutif de l'IATA.

« La question de savoir quelle proportion [des coûts du CORSIA] pourrait être ou ne pas être refilée aux passagers revient à chaque transporteur en fonction de sa structure de coûts. »  - Paul Steele, secrétaire exécutif de l'IATA

La 39e assemblée de l'OACI, qui s'est ouverte hier en présence du premier ministre Philippe Couillard, du ministre fédéral des Transports Marc Garneau et du maire Denis Coderre, se poursuivra jusqu'au 7 octobre. En plus du CORSIA, les 191 pays membres doivent notamment se pencher sur les accidents aériens, les cybermenaces, les drones et les passagers indisciplinés.

TAIWAN EXCLU DE L'OACI

Des manifestants ont dénoncé hier matin devant le siège de l'OACI à Montréal la décision de l'institution de ne pas inviter Taiwan à participer à sa 39e assemblée. Taiwan avait participé aux travaux de l'OACI à titre d'observateur lors de la dernière assemblée, en 2013, mais depuis janvier, le territoire est dirigé par une présidente qui a des relations plus tendues avec la Chine que son prédécesseur. Pékin a donc demandé et obtenu que l'OACI bloque l'accès non seulement aux diplomates taiwanais, mais aussi aux journalistes travaillant pour des médias taiwanais. L'ancienne haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme Louise Arbour et le Comité pour la protection des journalistes ont déploré la position de l'OACI.