Le gouvernement Harper était très réticent à l'idée de verser une nouvelle aide fédérale à Bombardier, au point où il a suggéré à l'entreprise montréalaise de se tourner d'abord vers le gouvernement du Québec, a appris La Presse.

Selon plusieurs sources au courant du dossier, le gouvernement Harper était majoritairement opposé à une nouvelle aide fédérale à Bombardier. Le gouvernement conservateur n'a jamais dit non formellement à Bombardier à la suite de sa demande au printemps dernier, à l'approche des élections fédérales - il a plutôt commandé une étude sur la situation de Bombardier à la firme Deloitte, dont les conclusions sont analysées actuellement par le gouvernement Trudeau. Mais le gouvernement Harper a clairement indiqué à Bombardier qu'il refusait de considérer un nouvel investissement fédéral tant que le gouvernement du Québec n'investissait pas en premier.

« Si vous ne pouvez pas convaincre votre [propre] gouvernement provincial, les contribuables d'ailleurs au pays ne seront pas intéressés », a indiqué une source conservatrice à La Presse.

Au printemps dernier, Bombardier a entrepris des discussions avec Ottawa et Québec pour une nouvelle aide gouvernementale pour la C Series.

Bombardier demandait alors 350 millions à Ottawa. Au début de l'été, le premier ministre du Québec Philippe Couillard a abordé le dossier Bombardier avec son homologue fédéral Stephen Harper au cours d'une conversation téléphonique. Le déclenchement de la campagne électorale fédérale au début du mois d'août a mis ce dossier sur la glace à Ottawa jusqu'aux élections en octobre.

Si tout indiquait que le gouvernement Harper se préparait à dire non à Bombardier, la décision finale n'avait pas été prise. S'il avait été réélu, le gouvernement Harper aurait vu le gouvernement Couillard investir 1 milliard US (environ 1,3 milliard CAN) dans la société en commandite de la C Series de Bombardier. Les conservateurs enclins à aider modestement Bombardier auraient alors eu de nouveaux arguments à faire valoir au gouvernement.

Mais les conservateurs ont été défaits aux dernières élections, et ce sont les libéraux de Justin Trudeau qui devront trancher dans ce dossier.

Formant maintenant l'opposition officielle à la Chambre des communes, les conservateurs sont aujourd'hui d'avis que le gouvernement fédéral ne doit pas investir davantage d'argent dans Bombardier. « Nous sommes contre les subventions aux entreprises », a dit le député conservateur Maxime Bernier, porte-parole en matière d'industrie, à La Presse.

« C'est de l'argent que l'on prend en taxant les autres entreprises, mais elles n'en bénéficient pas. Il faut arrêter de subventionner les entreprises et viser à baisser les impôts de toutes les entreprises », affirme Maxime Bernier, qui avait aussi exprimé en novembre dernier sur son blogue son opposition à une nouvelle aide fédérale à Bombardier. 

« Pourquoi ne pas plutôt laisser le marché fonctionner, laisser d'autres investisseurs et d'autres entreprises prendre le contrôle de Bombardier et la gérer plus prudemment en créant de la richesse, au lieu de dilapider des ressources ? », avait-il écrit.

Le cas GM et les programmes existants

Lors de ses rencontres avec Ottawa, Bombardier évoquait notamment la possibilité de vendre sa division ferroviaire si l'entreprise ne trouvait pas de nouveau financement pour son avion C Series (elle en a trouvé entre-temps auprès de Québec et de la Caisse de dépôt et placement du Québec). Le gouvernement Harper ne trouvait pas cet argument très convaincant.

Un autre événement qui aurait compliqué la tâche de Bombardier auprès du gouvernement Harper : le constructeur automobile General Motors (GM), qui avait bénéficié du plan de sauvetage Canada-Ontario de 13,7 milliards en 2009, a supprimé 1000 emplois en août à son usine d'Oshawa, qui est passée de 3600 à 2600 employés. Les gouvernements fédéral et ontarien ont perdu 3,5 milliards avec ce plan de sauvetage.

Au sein du gouvernement Harper, on estimait aussi que le fédéral avait déjà apporté sa contribution pour Bombardier et l'industrie aéronautique, située majoritairement au Québec, dans le cadre des programmes existants. « À un certain point, le remède tue le patient. Les contribuables [canadiens] ont déjà été incroyablement généreux. Nous avons fait tout ce que nous pouvions faire », dit une source conservatrice.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau étudie actuellement la demande de Bombardier, qui se chiffrerait à 1,3 milliard selon le Globe and Mail. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) est favorable à une aide à Bombardier, sans toutefois préciser de somme. « Je m'attends à ce que le Québec soit traité avec équité, dit le député néo-démocrate Pierre Nantel. Ce n'est pas pour soutenir Bombardier, c'est pour soutenir les emplois. » Le Bloc québécois estime que le fédéral doit investir 1,3 milliard, soit la même somme que Québec. « Le Bloc espère que les négociations se concluront positivement, au bénéfice des travailleurs et de ce fleuron de l'économie québécoise », a indiqué par courriel le député bloquiste Simon Marcil.

Bombardier n'a pas voulu commenter hier ses discussions avec les gouvernements Harper et Trudeau.

- Avec la collaboration de Denis Lessard