Bombardier (T.BBD.B) peine à convaincre le marché de monter à bord de sa C Series, ce qui accroît la pression sur l'entreprise. Certains experts suggèrent sans détour à Bombardier de se rendre à l'évidence et de mettre fin au programme.

«C'est écrit dans le ciel», affirme Robert Spingram, de Credit Suisse, dans une note de recherche publiée hier.

«L'approche effectuée auprès d'Airbus est la plus claire indication jusqu'ici que la C Series se trouve dans une position désastreuse.» Il ajoute que cet aveu semble être le reflet de la nouvelle perspective amenée par le PDG Alain Bellemare, qui a maintenant eu amplement le temps d'évaluer la C Series.

Passe «Hail Mary»

L'échec des négociations avec Airbus porte Robert Spingram à croire qu'il s'agissait d'un geste de dernier recours, l'équivalent d'une passe «Hail Mary» au football (cette passe désespérée qu'on tente parfois en fin de match).

Cet analyste soutient que l'annulation complète du programme de la C Series mérite d'être sérieusement envisagée à ce stade-ci. Une telle décision risque d'engendrer des pénalités d'annulation ainsi que d'autres frais. Mais la facture totale serait fort probablement inférieure à 1 milliard de dollars, alors que Bombardier devra encore débourser de 1 à 2 milliards pour couvrir la certification et les pertes à envisager au cours des premières années de production, dit-il.

Chez CM-CIC Securities, Agnès Blazy se questionne aussi sur la pertinence de l'appareil. «La tentative de transaction [entre Bombardier et Airbus] place les projecteurs sur les modèles d'entrée de gamme qui ne connaissent pas de succès commercial et, par conséquent, sur le maintien de ces modèles ou leur arrêt.»

Agnès Blazy indique que le nombre total de commandes totales pour les appareils français de type A318, A319ceo et A319neo s'élève à seulement 71, ce qui n'est évidemment pas signe de succès commercial sur l'entrée de gamme. Son carnet est près de quatre fois inférieur à celui de Bombardier pour des appareils semblables.

Bombardier a récolté jusqu'ici 243 commandes fermes pour ses appareils de la C Series, mais aucune depuis le 26 septembre 2014.

Selon Carter Copland, de la firme Barclays, le fait que Bombardier soit disposée à céder une participation majoritaire dans la C Series signale que les efforts déployés pour vendre des actifs, notamment, ne suffisent pas à résoudre la principale difficulté de l'entreprise, réussir à vendre des appareils de la C Series.

«De toute évidence, la détresse dans laquelle se trouve Bombardier affecte la demande.» À cet égard, l'analyste estime qu'Airbus aurait pu avoir un impact positif en s'associant à la C Series, puisque ce geste aurait pu valider le produit et y donner de la crédibilité. Il pense que cela aurait pu avoir un impact potentiel comparable à celui d'un investissement de Warren Buffett dans une entreprise.

Des discussions avec Boeing?

Plusieurs analystes s'attendent par ailleurs à ce que Bombardier discute maintenant avec l'avionneur américain Boeing, si ce n'est déjà fait.

«Je m'attends à une réponse similaire à une approche effectuée auprès de Boeing par Bombardier, bien que l'histoire pourrait être différente si une approche avait été faite avant le lancement de la version MAX du 737 de Boeing», dit Robert Spingram, du Credit Suisse.

«Les pourparlers avec des investisseurs chinois sont maintenant appelés à reprendre», dit Yan Derocles, de la firme Oddo Securities qui pense que Boeing est également sur la liste de Bombardier. «Mais je ne crois pas que Boeing se montrera intéressée.»

Carter Copeland, de Barclays, croit que Boeing pourrait se manifester de l'intérêt pour la C Series. «Je serais toutefois surpris que l'analyse de Boeing débouche sur une conclusion différente de celle d'Airbus.»

De l'avis de Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, Bombardier traverse une crise de confiance, non seulement de la part des investisseurs, mais aussi de la part de ses clients actuels et potentiels. «Les prochains mois seront critiques.»

Des réponses ou à tout le moins des précisions suivront au plus tard dans trois semaines lorsque Bombardier publiera ses résultats trimestriels le 29 octobre. Le PDG Alain Bellemare devrait alors s'entretenir avec les analystes avant d'échanger de nouveau avec eux le 24 novembre dans le cadre d'une journée pour les investisseurs organisée par Bombardier.

Hier, le titre de Bombardier a cédé les gains réalisés la veille pour clôturer en baisse de 13%, à 1,54$, à la Bourse de Toronto.

LA CSERIES EN QUELQUES CHIFFRES

> Coût de développement jusqu'ici: de 5 à 6 milliards US

> Nombre de commandes fermes: 243

> Date de la dernière commande: 26 septembre 2014

> Année de lancement du projet: 2008