Le patron de Volkswagen, Martin Winterkorn, est sorti vainqueur vendredi d'un bras de fer à la tête du géant automobile allemand, un désaveu cinglant pour le patriarche Ferdinand Piëch qui marque sans doute la fin d'une époque.

M. Winterkorn, avec qui M. Piëch, président du conseil de surveillance, avait pris ses distances dans une interview publiée le 11 mars, est «le meilleur président du directoire possible» pour Volkswagen, a tranché le groupe dans un communiqué.

Les six membres les plus influents du conseil de surveillance - sur 20 - ont affirmé leur «soutien inconditionnel» au patron et «vont proposer de prolonger» son contrat, qui court pour le moment jusqu'à fin 2016.

Ce «mini» conseil de surveillance, qui comprend, outre M. Piëch, le très influent président du comité d'entreprise, le président du syndicat IG Metall ou encore le chef du gouvernement de l'État régional de Basse-Saxe (nord), actionnaire du groupe, s'était réuni jeudi pour tenter de ramener le calme.

M. Piëch, petit-fils de l'inventeur de la légendaire Coccinelle, ex-patron de Volkswagen et l'un des représentants de la dynastie actionnaire Porsche, a manifestement perdu son entregent dans ce conseil, dont les décisions font loi. La holding Porsche SE détient près de 51% du capital de Volkswagen.

Grande figure de l'automobile, M. Piëch, dont le 78e anniversaire tombait précisément ce vendredi, a longtemps décidé du sort des patrons de la société. En 2006 il avait congédié le prédécesseur de M. Winterkorn pour mettre aux commandes ce dernier, son protégé de longue date.

Ratés stratégiques

Mais cette fois-ci, dès dimanche 12 mars, les autres représentants des actionnaires - l'autre branche de la famille Porsche, la Basse-Saxe - et ceux du personnel, se sont rangés derrière M. Winterkorn, 67 ans.

Le choix de maintenir M. Winterkorn à son poste «pourrait affaiblir la position de M. Piëch comme président du conseil de surveillance», considère Michael Punzet, analyste de DZ Bank. Il est censé y rester jusqu'à 2017.

Pour l'hebdomadaire Die Zeit, «le style autoritaire» de M. Piëch a fait son temps. «Les grandes entreprises mondiales qui veulent avoir du succès au XXIe siècle sont dirigées autrement», selon un éditorial.

M. Piëch semblait pourtant avoir réussi en une seule phrase à faire vaciller M. Winterkorn. Pendant des jours la presse a rivalisé de titres catastrophistes sur la «crise» chez le plus gros constructeur européen, qui chapeaute 12 marques et réalise 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an.

Manifestement le patriarche s'émeut de certains ratés dans la stratégie: des difficultés à percer aux États-Unis, une forte dépendance au marché chinois et une attractivité sur le déclin de la marque historique Volkswagen.

Le groupe, maison mère d'Audi et Bugatti, est en outre pénalisé par sa faiblesse sur le segment des petites voitures peu onéreuses. Et il a raté ou pris sur le tard certains virages, les moteurs hybrides, l'électrique ou encore l'autopartage, embrassés par ses concurrents Daimler et BMW.

Investisseurs satisfaits

Ces ombres au tableau ne sont pas une raison pour désavouer le patron, ont jugé les autres décideurs de Volkswagen. Après tout Volkswagen a dégagé près de 11 milliards d'euros de bénéfice net l'an dernier, et son cours de Bourse a été multiplié par plus de trois en cinq ans.

L'ancien patron d'Audi, chef le mieux payé d'Allemagne (15 millions d'euros en 2014), occupe sa fonction depuis 2007. Il a été l'artisan des grands rachats d'un groupe boulimique: celui du constructeur de voiture de sport Porsche - distinct de la holding Porsche SE -, des luxueuses Bentley, des camions MAN et Scania... Et il a mis sur les rails une stratégie à horizon 2018 qui doit voir Volkswagen ravir la première place mondiale au japonais Toyota.

Vendredi les investisseurs se réjouissaient visiblement qu'il puisse la mener à bien. L'action était première d'un indice Dax en forte baisse à Francfort, limitant la casse avec un repli de 0,57% à 236,30 euros à 12 h 00 GMT (8 h 00 heure de Montréal).