Le président et chef de la direction de Bombardier (T.BBD.B), Pierre Beaudoin, n'entend pas céder à la panique, et ce, même si l'entreprise traverse de nouvelles turbulences et que son action a plongé sur les marchés au cours de la dernière semaine.

S'il comprend certaines préoccupations des analystes et des investisseurs, il martèle que l'entreprise montréalaise se concentre sur le «long terme» et que les revenus des nouveaux programmes - comme la CSeries - seront au rendez-vous dans les mois et années à venir.

«Il faut être patient dans notre métier, a-t-il expliqué, mercredi, au cours d'un entretien en marge du Forum économique de Davos, en Suisse. Nous investissons beaucoup avant (d'obtenir) les premiers revenus. Dans tous les projets à long terme, il y a des hauts et des bas.»

Le titre de la société a plongé pour se rapprocher d'un creux de six ans depuis l'annonce, vendredi dernier, d'une série de mauvaises nouvelles. Il a continué de perdre des plumes mercredi, cédant 16 cents, soit 5,7%, pour clôturer à 2,64 $ à la Bourse de Toronto.

En plus d'interrompre son programme d'avion d'affaires Learjet 85 pour une durée indéterminée - une décision qui s'accompagne par la suppression de quelque 1000 emplois aux États-Unis et au Mexique - Bombardier a également révisé à la baisse ses prévisions. Les flux de trésorerie de sa division aéronautique devraient notamment chuter à environ 800 millions US, tandis que sa prévision précédente les voyaient entre 1,2 milliard de dollars US et 1,6 milliard de dollars US.

Combinée à la restructuration de la division annoncée l'été dernier ainsi que les milliers d'emplois supprimés en 2014, plusieurs analystes ont notamment estimé que l'entreprise n'avait maintenant plus d'excuses en ce qui a trait à son incapacité à respecter ses prévisions.

«Qu'il y ait des remises en question lorsque l'on traverse des périodes difficiles comme la semaine dernière, je comprends ça. Ça fait partie de l'enjeu d'établir une vision à long terme et de l'établir.»

En dépit de flux de trésorerie en baisse, M. Beaudoin a fermé la porte à la vente potentielle d'un des trois secteurs de la division aéronautique de l'entreprise - avions d'affaires, avions commerciaux et aérostructures et services d'ingénierie - afin de renflouer les coffres.

«Ce n'est pas dans les cartes, a-t-il laissé tomber. Bombardier a accès à 3,8 milliards de dollars US de liquidités.»

Par ailleurs, ces mauvaises nouvelles ne mettent pas plus de pression, d'après M. Beaudoin, sur les objectifs de la CSeries ainsi qu'à l'échéancier prévu en ce qui a trait aux premières livraisons de ce nouvel avion commercial.

Malgré la suspension des essais en vol entre mai et septembre en raison de l'explosion d'un moteur, les premiers CS100 devraient être livrés lors de la deuxième moitié de 2015, a rappelé le patron de Bombardier, qui n'a pas voulu s'avancer quant aux possibles conséquences d'un autre retard.

Sans commenter en détail la dégringolade du titre, le patron de Bombardier a rappelé que le carnet de commandes total de l'entreprise dépassait 70 milliards - et que la division transport monopolisait près de la moitié de ce montant -, ce qui devrait contribuer à rassurer les investisseurs.

Sous la loupe des grandes agences de notation comme Moody's, Standard & Poors, Fitch et Dominion Bond Rating Service, M. Beaudoin a également l'intention de profiter de son passage en Suisse pour rencontrer des clients, compagnies aériennes et banques qui brassent des affaires avec la société dans l'espoir de remettre les pendules à l'heure.

«Je pense que c'est toujours bon d'avoir l'occasion de s'asseoir devant nos clients et devant les différentes banques qui nous appuient, a-t-il observé. Quand on annonce que nos prévisions ne sont pas au rendez-vous, je les comprends (les agences de notation) de vouloir poser des questions. La balle est dans notre camp, c'est à nous de livrer.»

Du sable dans l'engrenage en Russie

M. Beaudoin a par ailleurs laissé entendre que le projet de Bombardier d'établir une chaîne d'assemblage de son avion Q400 en Russie n'était pas prêt de voir le jour en raison de la situation économique du pays, qui s'est rapidement détériorée au cours des derniers mois en raison de la chute des cours du brut.

«On ne considère pas pour l'instant que c'est le moment de commencer une ligne de montage, a précisé le dirigeant de Bombardier. Il y a un bon potentiel, on va continuer à suivre la situation.»

En 2013, la société avait signé des ententes préliminaires avec la société d'État russe Rostec pour la mise en place d'une usine d'assemblage de 100 appareils Q400, dont la valeur est estimée à 3,4 milliards de dollars, selon le prix de détail.

L'échéancier du projet a cependant été constamment bousculé, notamment dans la foulée des sanctions économiques imposées à la Russie dans la foulée de la crise ukrainienne.