L'industriel Alstom a préféré l'offre de l'américain General Electric pour le rachat de son importante branche énergie, mais a laissé la porte entrouverte à d'autres propositions éventuelles, dont celle de l'allemand Siemens, comme le souhaitait le gouvernement qui surveille de près le dossier.

Le conseil d'administration d'Alstom a reconnu «à l'unanimité les mérites stratégiques et industriels» de l'offre de GE d'un montant de 12,35 milliards d'euros, lors d'une réunion mardi soir étroitement suivie par l'État qui entend veiller à la préservation de l'emploi et au maintien d'activités stratégiques en France.

Cette annonce a fait s'envoler l'action Alstom qui a enregistré mercredi une hausse de de 9,33%, à 29,52 euros, dans un marché en recul de 0,23%.

Le fabricant de turbines électriques et de TGV va cependant mettre en place un comité d'administrateurs indépendants, pour procéder, d'ici fin mai, à «un examen approfondi de l'offre, en tenant compte des intérêts de l'ensemble des parties prenantes, y compris ceux de l'État français».

D'ici là, Alstom ne pourra pas solliciter d'autres offres, mais «s'est réservé le droit de répondre à des offres non sollicitées», se laissant des marges de manoeuvres, comme le souhaitait le gouvernement qui refusait d'être mis devant le «fait accompli».

Siemens, qui souhaite également racheter cette branche mais n'a pas encore formalisé d'offre, aura un accès équitable à l'information lui permettant, le cas échéant, de soumettre une offre ferme.

Le dossier «n'est pas plié», a assuré le ministre de l'Économie Arnaud Montebourg mercredi. «Nous nous sommes battus pour qu'il y ait le choix», a-t-il dit.

«Nous avons devant nous plusieurs semaines» et «le gouvernement compte utiliser ce temps pour défendre les intérêts industriels de la nation». Ce dernier avait reproché à Alstom de ne pas l'avoir tenu informé des négociations en cours avec GE, dévoilées par la presse la semaine dernière.

«Nous avons été entendus, c'est cela qui me paraît essentiel», s'est félicité le premier ministre Manuel Valls, tandis que le ministre des Finances Michel Sapin a indiqué que le gouvernement n'entendait pas mettre son veto à l'opération.

Le gouvernement, qui a placé la lutte contre le chômage et la désindustrialisation au coeur de son projet politique, était monté au créneau dans ce dossier, qu'il juge stratégique, en demandant notamment à Alstom de ne pas précipiter sa décision.

«Il est clair que l'État aura son mot à dire», a reconnu Patrick Kron lors d'un point presse téléphonique, sans cacher sa préférence pour GE.

«Nous avons une seule offre en main, qui est une offre engageante et une offre de qualité. Vous m'autoriserez à ne pas dire le contraire, puisque c'est moi qui l'ai négociée. C'est une très bonne offre. Le conseil va l'analyser et j'espère qu'il partagera mon analyse», a-t-il dit.

Celle-ci se justifie, selon M. Kron, par les difficultés d'Alstom, qui n'a pas la taille critique dans un marché énergétique européen atone.

Siemens améliore son offre

La division énergie emploie 65 000 personnes dans le monde, dont près de 9.000 en France (sur 18.000), pour un chiffre d'affaires de 14,8 milliards d'euros sur l'exercice 2012-2013, soit environ 70% des revenus totaux.

«Il n'y a pas le feu. Il n'y a pas de problème à court terme, mais il y avait des questions stratégiques à moyen terme», a-t-il expliqué. Il a lui-même pris contact avec GE, dont il a vanté la complémentarité des métiers avec ceux de son groupe, dans l'éolien, l'hydroélectricité ou les services.

«Nous avons commencé les discussions avec eux fin mars, et en quelques semaines elles ont abouti. Ca a été rapide, il y a eu peu de gens impliqués».

General Electric a aussi défendu son offre, que son PDG Jeffrey Immelt a qualifiée de «bonne». «Je viens avec l'esprit d'un investisseur de long terme», a-t-il assuré sur TF1 pendant que la directrice générale de GE France Clara Gaymard, assurait que cette opération signifiait que «General Electric croit dans les ingénieurs français, croit dans la technologie française, croit dans l'innovation française ...»

GE veut développer l'emploi en France et a proposé que les centres mondiaux pour ses activités turbine à vapeur, énergie hydraulique, éolien offshore et réseaux y soient localisés, tandis que le «centre d'excellence» pour les turbines à gaz resterait à Belfort.

De leur côté, les syndicats, dont une délégation a été reçue en fin de matinée au siège du groupe près de Paris, ont réitéréleur souhait que l'État empêche un éclatement d'Alstom,  certains réclamant, à défaut, une «solution industrielle qui préserve l'emploi» dans l'énergie comme le transport.

L'avantage donné par Alstom a GE n'a pas refroidi Siemens, même si l'industriel allemand s'est dit «déçu du manque de coopération» de Patrick Kron.

Il a amélioré sa proposition préliminaire faite pendant le week-end. Il évalue dans une fourchette de 10,5 milliards à 11 milliards d'euros les activités énergie d'Alstom et propose de lui céder, en plus de ses trains à grande vitesse, son activité dans les métros et trains de banlieue.

Si le projet de GE était mené à bien, Alstom se concentrerait d'ailleurs sur ses activités emblématiques dans le transport qui, grâce au produit de la cession, bénéficieraient d'une assise financière «robuste» pour se développer.