L'industriel Alstom (ALSMY) a préféré l'offre de l'américain General Electric (GE) pour le rachat de son importante branche énergie, mais a laissé la porte entrouverte à d'autres propositions éventuelles, dont celle de l'allemand Siemens, comme le souhaitait le gouvernement qui surveille de près le dossier.

Le conseil d'administration d'Alstom a reconnu «à l'unanimité les mérites stratégiques et industriels» de l'offre de GE pour un montant de 12,35 milliards d'euros en numéraire, lors d'une réunion mardi soir étroitement suivie par l'État qui entend veiller à la préservation de l'emploi et au maintien d'activités stratégiques en France.

Cette annonce a fait s'envoler l'action Alstom à sa reprise de cotation mercredi. Mercredi matin, le titre progressait de près de 9% dans un marché en baisse de 0,33%.

Le fabricant de turbines électriques et de TGV va mettre en place un comité d'administrateurs indépendants, «pour procéder, d'ici à la fin du mois de mai, à un examen approfondi de l'offre, en tenant compte des intérêts de l'ensemble des parties prenantes, y compris ceux de l'État français».

Dans ce cadre, Alstom ne pourra pas solliciter d'autres offres, mais il «s'est réservé le droit de répondre à des offres non sollicitées», se laissant des marges de manoeuvre, comme le souhaitait le gouvernement qui refusait d'être mis devant le «fait accompli».

Le conseil a ainsi «pris connaissance d'une déclaration d'intérêt» de l'allemand Siemens, qui «aura un accès équitable à l'information lui permettant, le cas échéant, de soumettre une offre ferme».

La division énergie emploie 65 000 personnes dans le monde, dont près de 9000 en France (sur 18 000), et représente environ 70% du chiffre d'affaires d'Alstom.

L'exécutif, qui a placé la lutte contre le chômage et la désindustrialisation au coeur de son projet politique, était monté au créneau depuis plusieurs jours dans ce dossier, qu'il juge stratégique, en demandant notamment à Alstom de ne pas précipiter sa décision.

Il reprochait notamment au groupe de ne pas l'avoir tenu informé de négociations en cours depuis plusieurs semaines avec GE, dévoilées par la presse vers la fin de la semaine dernière. Ce qui a valu au PDG d'Alstom Patrick Kron une volée de bois vert de la part du ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg.

Le dossier «n'est pas plié», a assuré ce dernier mercredi lors d'une audition devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale. «Nous avons devant nous plusieurs semaines» et «le gouvernement compte utiliser ce temps pour défendre les intérêts industriels de la nation», a-t-il déclaré.

«Nous avons été entendus, c'est cela qui me paraît essentiel», s'est également félicité le premier ministre Manuel Valls sur France Inter.

Siemens améliore son offre

«Il est clair que l'État aura son mot à dire», a reconnu Patrick Kron lors d'un point presse téléphonique, sans cacher sa préférence pour GE.

«Nous avons une seule offre en main, qui est une offre engageante et une offre de qualité. Vous m'autoriserez à ne pas dire le contraire, puisque c'est moi qui l'ai négociée. C'est une très bonne offre», a-t-il dit.

Le processus de cession se justifiait, selon lui, par les difficultés du fleuron industriel, confronté à une baisse des commandes dans un marché énergétique européen atone. «Nous avons commencé les discussions avec eux fin mars, et en quelques semaines elles ont abouti».

General Electric a également défendu son offre, que son PDG Jeffrey Immelt a qualifiée de «bonne» pour Alstom et la France, où le groupe américain prévoit une augmentation du nombre d'emplois.

GE a proposé que le siège et les centres mondiaux pour ses activités turbine à vapeur, énergie hydraulique, éolien offshore et réseaux soient localisés en France, tandis que le «centre d'excellence» pour les turbines à gaz resterait à Belfort.

Le rachat de la branche énergie d'Alstom entraînerait pour GE une croissance du résultat par action de 0,08 à 0,10 dollar en 2016.

Ces déclarations n'ont pas refroidi Siemens, même si l'industriel allemand s'est dit «déçu du manque de coopération» du Patrick Kron.

Il a amélioré son offre d'achat, par rapport à une proposition préliminaire faite pendant le week-end. Dans un courrier adressé en amont du conseil d'administration, il évalue dans une fourchette de 10,5 milliards à 11 milliards d'euros les activités énergie d'Alstom et propose de lui céder, en plus de ses trains à grande vitesse, son activité dans les métros.

Si le projet de GE était mené à bien, Alstom se concentrerait d'ailleurs sur ses activités emblématiques dans le transport, dont le groupe Bouygues restera actionnaire à hauteur de 29%, un niveau correspondant à sa participation actuelle dans Alstom, selon M. Kron.