L'année 2013 a vu le vol inaugural d'un avion CSeries de Bombardier, mais l'éventuel succès du premier nouveau design d'appareil à fuselage étroit en près de trois décennies pourrait se préciser au cours de l'année à venir.

Les clients suivront l'évolution de la situation de près et pourraient se laisser convaincre de passer des commandes - dépendamment des données sur les centaines d'heures de vol d'essai, qui pourraient confirmer les promesses d'économies de carburant et de faibles niveaux de bruit faites par Bombardier.

Le patron de la division aéronautique de la société montréalaise reconnaît que certains acheteurs potentiels sont dans l'attente des résultats de tests. Mais selon Guy Hachey, les vols d'essai n'ont pas révélé d'éléments problématiques et les discussions sont avancées avec plusieurs consommateurs.

«Il est très difficile de livrer un avion au marché mais jusqu'à maintenant, il n'y a pas de grande surprise pour la CSeries», a-t-il indiqué.

Des années de tests informatiques et au sol ont précédé le vol inaugural du nouvel avion. Le programme de la CSeries, évalué à 3,4 milliards $ US, devrait générer des revenus additionnels d'entre 5 et 8 milliards $ US par année pour Bombardier, qui souhaite s'emparer d'environ la moitié des ventes mondiales pour les avions de cette taille.

La plus grande partie des efforts de ventes sera consacrée aux pays en développement comme la Chine.

«Il s'agit d'un avion qui est conçu d'abord et avant tout pour la demande mondiale et non pas seulement pour les grands marchés actuels», a affirmé M. Hachey lors d'une conférence du secteur de l'aviation.

Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]] vise 300 commandes fermes - soit environ quatre ans de production - auprès d'environ 20 clients d'ici à la première livraison de l'avion, dans environ un an. Jusqu'à maintenant, il n'en compte que 182, et très peu ont été ajoutées récemment.

Le vol inaugural de septembre devait propulser les nouvelles commandes, mais seulement Iraqi Airways s'est manifesté depuis comme nouveau client. Les noms de divers acheteurs potentiels circulent. Parmi ceux-ci se trouve celui de l'Indonésienne Lion Air, qui pourrait acheter jusqu'à 50 appareils, et celui d'Air Canada, qui doit décider d'ici six mois s'il préfère ce produit local aux avions E2 d'Embraer.

Livrer les avions CSeries de 110 à 160 sièges à temps représentera un important défi. Le programme de tests en vol doit durer 12 mois, mais la plupart des observateurs de l'industrie estiment que Bombardier va dépasser cet échéancier, tout comme elle a reporté d'environ neuf mois son vol inaugural.

Ces analystes croient que la première livraison d'un CS100 devrait avoir lieu au premier trimestre de 2015, ce qui représente un retard d'environ six mois. Cela sera tout de même remarquable en comparaison avec les délais qu'ont connus Boeing et Airbus pour livrer leurs nouveaux avions 787 et 380.

M. Hachey affirme attendre de prendre connaissance des données de son deuxième avion d'essai avant de déterminer si des délais seront nécessaires.

«Cela dépendra de ce que nous découvrirons puisque nous avons plus d'un avion en vol, mais pour l'instant tout se déroule comme nous l'avions prévu.»

Pour l'analyste David Tyerman, de Canaccord Genuity, même si le vol inaugural était une importante étape, il est difficile d'évaluer le succès du programme parce que Bombardier n'a pas donné beaucoup de détails sur son échéancier de tests et sur la performance initiale de l'avion.

Conséquemment, M. Tyerman ne serait pas surpris par l'annonce d'un retard dans la livraison des CSeries.

Le début du printemps pourrait être une période cruciale, alors que l'entreprise devrait avoir en mains suffisamment de données pour confirmer l'engagement de réduction de 20 pour cent de consommation de carburant et de coûts moindres d'exploitation.

«À ce moment, supposément, elle devrait savoir comment se porte le programme, a-t-il soutenu en entrevue. Si (Bombardier) est alors significativement en retard et n'a pas cette information, ce sera problématique.»

Karl Moore, de la faculté de gestion Desautels de l'Université McGill, a dit avoir peu de doute quant à la capacité de la CSeries de donner de l'élan à Bombardier malgré les inquiétudes sur le carnet de commandes.

Il a dit croire que les données sur les premiers essais aideront à calmer les craintes sur les marchés.

«Je crois que (la CSeries) est supérieure à ses rivaux... et à moyen et long terme, elle connaîtra un succès très important», a affirmé M. Moore.

Il a soutenu que Boeing et Airbus tentaient d'atténuer l'avantage de la CSeries en vendant certains avions à fuselage étroit à des prix réduits.

Ultimement, M. Moore estime que Bombardier atteindra sa cible de 300 commandes fermes à la première livraison, mais ajoute qu'il serait bien pour la compagnie de s'allier de gros joueurs comme clients, incluant Air Canada. «Si vous ne gagnez pas l'appui de gens littéralement de l'autre côté de la rue, cela pourrait être perçu négativement par certains», a-t-il évoqué.

Richard Aboulafia, de l'entreprise-conseil en aviation Teal Group, a dit s'attendre à ce qu'Air Canada évite le «patriotisme économique» et ne commande pas l'appareil de Bombardier.

Le sceptique de la CSeries a toutefois ajouté que la perte de ce contrat ne serait pas majeure, mais que Bombardier se devait d'attirer un transporteur à grand réseau en plus de Lufthansa pour démontrer l'intérêt des transporteurs.