Après la Belgique et la France, les États-Unis mettent tout leur poids dans la balance et appuient le maintien du siège de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) à Montréal, balayant ainsi du revers de la main l'offre de déménagement déposée lundi par le Qatar.

«Les États-Unis ont un intérêt énorme dans l'aviation civile et nous croyons qu'un déménagement du siège perturberait tellement le personnel de l'OACI qu'il lui faudrait des années pour s'en remettre, et ce, peu importe où l'on voudrait l'installer. Même si une grande ville américaine souhaitait obtenir l'OACI, je ne pense pas que les États-Unis pourraient appuyer une telle proposition parce que c'est trop compliqué», a déclaré hier l'ambassadeur des États-Unis à l'OACI, Duane Woerth, au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Affaires.

M. Woerth a reconnu que les membres de certaines délégations ont rapporté avoir eu des problèmes en ce qui a trait aux visas, aux hôpitaux et aux écoles. Il a toutefois rappelé que New York, où se trouve le siège des Nations unies, a aussi ses lacunes.

«Comme pays hôte, nous ne sommes pas parfaits non plus, a-t-il noté. Des diplomates ont certainement vécu des différends avec notre gouvernement. Nous sommes pleinement conscients des difficultés d'être un pays hôte. Quand il y a des problèmes, nous cherchons à les régler. Je vois mal comment de telles difficultés pourraient nous convaincre de la nécessité de déplacer un siège international.»

Proximité avec Washington

Duane Woerth a par ailleurs estimé que la proposition du Qatar «arrivait un peu tard» puisque le conseil de l'OACI, composé de 36 pays, a déjà autorisé le secrétaire général, Raymond Benjamin, à renouveler les accords de siège avec le Canada jusqu'en 2036.

L'ambassadeur a également souligné que l'OACI bénéficiait grandement de sa proximité avec Washington, où se trouve la Federal Aviation Administration. Cet organisme gouvernemental américain, le plus important du genre dans le monde, collabore étroitement avec l'OACI sur une panoplie de questions techniques.

«C'est facile pour nous de le faire parce que la FAA est à une heure et demie de vol de Montréal», a expliqué M. Woerth.

À ses yeux, les avantages fiscaux promis par le Qatar ont bien peu d'importance face à d'autres considérations. «L'OACI a connu beaucoup de succès ici. Elle peut compter sur un personnel stable et compétent. Et c'est important parce qu'il s'agit d'un organe à vocation technique.»

Monnaie d'échange?

Pierre Jeanniot, ancien PDG d'Air Canada et de l'Association internationale du transport aérien (IATA), croit que le Canada devra être prêt à consentir des faveurs au Qatar pour le persuader de se désister.

Il a évoqué hier deux dossiers qui ont particulièrement hérissé l'émirat au cours des dernières années: les refus d'Ottawa de permettre la diffusion sans restriction de la chaîne d'information qatarie Al Jazeera en arabe et d'octroyer à Qatar Airways davantage de droits d'atterrissage au Canada.

Selon lui, le Qatar ne se gênera pas pour promettre des aides financières à des pays en développement dans l'espoir d'obtenir leur vote à l'OACI.

M. Jeanniot a en outre soutenu que le gouvernement conservateur allait devoir adoucir sa politique internationale.

«Il faut essayer de réparer les pots cassés, a-t-il dit. Si on a choqué des pays, il faut s'assurer qu'ils ne montent pas une cabale contre nous.»

La proposition du Qatar de déménager le siège de l'OACI doit être soumise au vote des 191 pays membres l'automne prochain. Pour être adoptée, elle devra recevoir 60% des appuis.

Il a été impossible de joindre un officiel du Qatar au cours des derniers jours, que ce soit à Montréal, Ottawa, New York ou Washington.

Une étude datant de 2011 établit les retombées économiques de l'OACI à environ 120 millions de dollars par année pour Montréal. L'organisation emploie 534 personnes dans la métropole et 167 autres dans ses 7 bureaux régionaux.