Près de 200 travailleurs d'Aveos ont manifesté ce matin devant le domicile de Pierre-Marc Johnson, à Montréal. Selon le syndicat, de nouvelles manifestations surprises auront lieu dans les prochains jours.

L'ancien premier ministre Pierre-Marc Johnson siège au conseil d'administration d'Air Canada et d'Ace Aviation, entité sous laquelle Air Canada et ses divisions ont été placées après la restructuration de 2004. Les actionnaires d'Ace doivent se partager 300 millions de dollars dans les semaines suivant sa prochaine assemblée des actionnaires, prévue le 25 avril. Ils devront aussi autoriser sa dissolution: après la vente des anciennes divisions d'Air Canada, Ace n'a plus de raison d'être.

«La semaine prochaine, Pierre-Marc Johnson et son groupe viendront distribuer 300 millions à ses chums, s'indigne Jean Poirier, porte-parole du syndicat représentant les travailleurs d'Aveos. Là, on demande à Pierre-Marc Johnson, pourquoi il sauve pas des jobs ici? On veut que ces millions nous reviennent, et viennent sauver nos emplois!»

Ce matin, les manifestants ont arpenté le trottoir, devant les portes du chic édifice de la rue Sherbrooke ouest, en scandant des slogans, mais dans une ambiance très sereine.

«C'est quand même ironique de voir qu'on se bat pour travailler pour une compagnie qui ne veut pas de nous...», souligne un ancien travailleur d'Aveos.

Plus de 2000 personnes (syndiqués et non-syndiqués) ont perdu leur emploi il y a un mois quand Aveos, une compagnie de maintenance et de révision née de la restructuration d'Air Canada, a brutalement fermé ses portes. Aveos avait pour principal client Air Canada.



Portés par l'espoir

Depuis la fermeture, le syndicat milite pour que les gouvernements prennent des recours contre Air Canada, tenu, par la loi, d'exécuter les travaux de maintenance et de révision de sa flotte aérienne au Canada, notamment à Montréal. Ottawa a opposé une fin de non-recevoir à cette demande, contrairement à Québec, qui a annoncé ce matin des poursuites contre Air Canada.

Requinqués par cette nouvelle, les travailleurs espèrent un nouveau retournement de situation.

«C'est une excellente nouvelle: le Goliath s'est réveillé, croit Jean Poirier. On va peut-être être dans la rue pendant 8 mois, mais l'important, c'est de gagner. Il y a des gens qui bafouent nos lois, et ça ne peut pas passer.»

Mais le syndicat se garde bien de crier victoire. «La victoire, ce serait un salaire, un chèque de chômage, note Jean Poirier. Mais on avance, et on ne reculera pas.»

Ce matin, les travailleurs ont eu la visite de Stéphane Dion, l'ancien chef du PLC, et député de Saint-Laurent-Cartierville.

Toujours sans chèque

Un mois après la fermeture sauvage d'Aveos, près de 2000 employés attendent toujours leur premier chèque d'assurance-emploi, et leur dernière paie. Une situation qui devient délicate, et qui, selon des employés mis à pied chez Air Canada, n'est pas sans rappeler leurs propres difficultés. 

Patrice, un employé des services techniques, raconte qu'il a dû attendre, tout comme ses 253 collègues d'Air Canada mis à pied en janvier dernier, plusieurs semaines pour toucher des indemnités de chômage: le transporteur aérien avait fait une erreur sur leurs relevés d'emplois. 

«Il a fallu faire des démarches et des appels pour y arriver», se souvient-il. 

Un employé d'une compagnie d'aéronautique montréalaise est aussi venu prêter sa voix aux syndiqués d'Aveos: il partage avec eux le même syndicat, et, croit-il, les mêmes menaces.

«Chez nous, il se passe la même chose. Il faut protéger nos emplois payants ici, explique-t-il. Dans l'aéronautique, on a mangé toute une claque.»

Des investisseurs sont toujours intéressés à reprendre les activités d'Aveos, selon le syndicat. Mais rien n'est encore joué. 

«J'ai déposé des CV ailleurs, mais je garde quand même espoir que quelque chose débloque», dit Antonio Silvia, technicien en structure d'avion, qui a passé 23 ans chez Air Canada.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Les employés d'Aveos veulent que les gouvernements prennent des recours contre Air Canada.