L'intervention de l'escouade anti-émeute ce matin ne décourage pas les travailleurs d'Aveos, qui s'est placée hier sous la protection de la loi sur la faillite.

Après l'attroupement ce matin près des bureaux d'Air Canada, boulevard Côte-Vertu à Dorval, ils comptent bien attirer l'attention de Québec et Ottawa.

«Allez les boys, on lâche pas!»

Malgré le passage de l'escouade anti-émeute, les travailleurs mis à pied veulent tenir le coup. Ce matin, peu avant 11h, leur sit-in devant les bureaux d'Air Canada a été bousculé par une intervention policière.

Air-Canada a obtenu ce matin une injonction interdisant aux employés de bloquer l'accès à leurs bureaux.  Mais ceux-ci ont refusé de céder le passage, et la police a employé sa méthode «habituelle», dit le porte-parole du SPVM Daniel Lacoursière, pour aider les employés d'Air Canada à se frayer un chemin jusqu'à leurs bureaux.

Un homme de 39 ans a été arrêté en vertu du règlement municipal de Dorval. Aucun poivre n'a été utilisé, selon la police.

Cette affirmation fait tousser certains manifestants.

«On nous a poivré, et poussé la matraque dans le dos, pour que les exécutifs puissent passer. C'est pas le fun, s'indigne Lyne Ste-Marie. Nous, tout ce qu'on veut, c'est pouvoir nourrir nos enfants, puis on se fait pousser pour laisser la place aux cadres qui viennent empocher des millions».

Deux heures plus tard, les choses sont revenues au calme, boulevard Côte-Vertu. Mais chez les anciens employés mis à pied, l'indignation et l'exaspération restent.

Colère

«On a tout vécu: le 11 septembre, le SRAS, la crise économique. À chaque fois, c'est la même chose: des diminutions de salaire, et depuis dimanche, c'est le grand coup», soupire François Cyr, mis à pied après 23 ans de services pour Air Canada.

La compagnie aérienne va continuer à «engranger des profits» tout en offrant des «services à rabais», dit M. Cyr, qui a passé plusieurs heures ce matin à promener un panneau portant l'inscription: «les employés en ont plein le cul».

Après l'intervention de la police, certains employés ont pu récupérer leur matériel dans l'atelier d'Aveos, en dépit du refus initial d'Air Canada.

Sur le boulevard Côte-Vertu fermé à la circulation, Carlos Arauyo se fraye un passage parmi les manifestants, poussant un  chariot dans lequel sont entreposés ses outils: C'est tout ce qui lui reste des 35 années passées à travailler pour Air Canada.

«Je ne savais même pas qu'on était fermés avant qu'on me dise de venir chercher mes affaires. C'est dommage, dit-il, une canette de bière à la main. M. Harper laisse l'ouvrage partir, puis on va tous finir sur le chômage.»

«Des gens en détresse, on en a beaucoup», dit Daniel Lépine, coordinateur au programme d'aide aux employés d'Aveos.

Dimanche soir, ses collègues comme lui-même ont reçu un appel de leur employeur, leur demandant de ne pas rentrer au travail le lendemain. Depuis, les mauvaises nouvelles se succèdent, et bien des questions restent sans réponse.

Ainsi, il se demande quand Aveos va payer les 16 semaines de salaire en préavis de son licenciement, et son 4%.

«Le gouvernement fait rien, tranche-t-il. Personne ne m'appuie: je paie 1500 piasses d'impôt aux deux semaines, et j'en ai pas plus (de services)»,

Se faire entendre à Québec et à Ottawa

L'entreprise supprime 1175 emplois, dont 500 à Montréal. Les 2600 employés d'Aveos ont appris hier la fermeture de plusieurs usines, en raison de pertes de 16 millions $ en moins de deux mois.

Des pertes attribuables à une réduction des commandes de son principal client: Air Canada.

Pour Jean Poirier, vice-président de la section 1751 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatial (AIMTA), tous les travailleurs ont maintenant une bataille à mener: maintenir leurs emplois dans les centres d'entretien au Canada plutôt que de confier cette tâche à des sous-traitants étrangers.

«On veut ramener les jobs ici, redevenir la famille de la maintenance», dit-il.

Et pour ça, les travailleurs sont prêts à se faire entendre: ils iront demain matin à Québec, et la semaine prochaine, à Ottawa.

«On va en mettre de la pression. Je peux pas croire que Québec va accepter d'envoyer les jobs dans des dictatures ou des pays aux salaires minables. Si ça bouge pas, on est aussi de ramener des dictateurs ici», estime-t-il.

«On plantera des tentes sur la colline s'il le faut».