La fermeture d'Aveos a créé une onde de choc à Montréal. D'un seul coup, 1800 travailleurs se retrouvent sans emploi. Hier, pendant que des centaines d'entre eux manifestaient leur colère, la direction d'Aveos, quant à elle, accusait Air Canada (T.AC.B), son ancienne société mère et principal client, d'être responsable de ses déboires.

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La société de maintenance d'avions Aveos rejette la responsabilité sur Air Canada pour les problèmes financiers qui l'ont forcée à interrompre ses activités et à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Air Canada a répliqué qu'elle avait respecté ses obligations et a exigé qu'Aveos termine le travail de maintenance sur un certain nombre d'appareils actuellement immobilisés dans des hangars. Elle lui a offert un financement d'urgence de 15 millions de dollars pour terminer le travail.

Pris entre ces deux feux, 2600 employés, dont 1800 à Montréal, se retrouvent sans emploi. Il y a encore de l'espoir pour ceux qui s'occupaient de la maintenance des moteurs et des autres grands composants des appareils, comme les trains d'atterrissage. Aveos leur a demandé de ne pas se présenter au travail hier matin, mais elle envisage la possibilité de redémarrer ces activités. Il n'y aurait en revanche plus d'espoir pour les travailleurs chargés de la maintenance de l'avion lui-même, ce qu'on appelle la cellule. Ces travailleurs, environ 1600 dans le pays, ont été carrément licenciés.

Air Canada réalise elle-même l'entretien quotidien de ses appareils. Elle a fait savoir hier qu'elle était prête à prendre des dispositions avec d'autres fournisseurs «principalement installés au Canada et aux États-Unis» pour assurer la maintenance en profondeur des avions. Par contre, elle s'inquiète au sujet des appareils, souvent désassemblés, qui sont immobilisés dans les ateliers d'Aveos.

À l'heure actuelle, trois long-courriers d'Air Canada sont ainsi bloqués à Montréal et à Vancouver. Deux d'entre eux n'ont plus leurs trains d'atterrissage: ils ne peuvent donc pas être déménagés. D'autres appareils à fuselage étroit sont dans des situations similaires.

Selon l'avocat représentant Air Canada, Me Louis Bélanger, le transporteur devra annuler des vols si ces appareils demeurent bloqués dans les hangars. Ce sont 3000 passagers qui seront alors forcés de demeurer au sol, et ce, quotidiennement.

Audience

À l'occasion de l'audience sur la requête d'Aveos en Cour supérieure hier, Me Bélanger a demandé au juge Mark Schrager d'empêcher Aveos de vendre les actifs qui lui permettraient d'achever le travail de maintenance sur les appareils d'Air Canada. L'avocat lui a également demandé de faire en sorte qu'Aveos réembauche des employés pour terminer le travail. Le juge a donné son aval à la première requête, mais pas à la deuxième.

«Le tribunal ne peut pas s'impliquer dans la gestion de l'entreprise», a-t-il expliqué.

Il a invité Aveos et Air Canada à s'entendre entre elles au sujet de l'achèvement des travaux.

«Nous allons nous asseoir», a promis l'avocat représentant Aveos, Me Roger Simon, avant de soutenir qu'Air Canada était à l'origine des problèmes d'Aveos.

«Maintenant, ils sont préoccupés», a-t-il lancé avec ironie.

Blâme

Dans la requête déposée hier en Cour supérieure, Aveos a affirmé que depuis le début de 2012, Air Canada avait annulé ou retardé des travaux de maintenance que l'entreprise devait réaliser, ce qui a réduit ses revenus de 16 millions de dollars en deux mois seulement.

Aveos a ajouté que ses coûts de main-d'oeuvre beaucoup trop élevés avaient également contribué à ses problèmes financiers. Au 31 janvier 2012, ses passifs dépassaient ses actifs de près de 220 millions de dollars. Le quatrième trimestre de 2011 s'est soldé par une perte nette de près de 50 millions.

Vendredi dernier, un fabricant d'outillage américain, Aeroturbine, a fait saisir de l'équipement qu'il avait loué à Aveos parce qu'il craignait que l'entreprise se place sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Air Canada représente environ 70% du chiffre d'affaires d'Aveos. Le transporteur a fait savoir hier qu'il avait un plan de contingence qui lui permettra d'assurer la maintenance de ses appareils, «conformément à toutes les exigences légales et réglementaires».

Jean Poirier, vice-président de la section locale de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA-FTQ), a toutefois dit craindre que le travail se retrouve au Salvador ou au Costa Rica.

«Chez nous, ça prend plus de neuf ans [d'expérience] pour être en mesure de certifier un avion, a-t-il lancé. Ailleurs, allez voir comment ça se passe. Ce ne sont pas les mêmes lois.»