Pendant que les avocats d'Aveos se présentaient devant le Tribunal pour enclencher le processus de faillite, 200 de ses 1800 employés montréalais mis à pied bloquaient le boulevard de la Côte-Vertu pour manifester leur stupéfaction, et surtout leur dégoût des méthodes «sauvages et illégales» de leur employeur.

Les employés bloquent l'extrémité ouest de Côte-Vertu, qui mène aux installations d'Air Canada où ils travaillaient à l'entretien des avions du transporteur. Ils en veulent beaucoup à Air Canada, car Aveos est la société qui a été créée quand la compagnie aérienne a décidé de se départir de ses services d'entretien. Air Canada était le client quasi unique d'Aveos. Et il semble que ce soit un défaut de paiement de la compagnie d'aviation qui ait placé Aveos dans le pétrin.

«On ne fabrique pas des toasters. On effectue un travail essentiel et très spécialisé. Air Canada ne peut pas se repositionner et faire faire ailleurs ce qu'on fait», croit Maxime Dolci, vice-président du syndicat local.

Outre ses 1800 confrères de Montréal, près de 1200 autres, à Vancouver et Winnipeg, perdent leur emploi de la même manière.

«Tout part d'Air Canada, qui a toujours une participation d'environ 30% dans Aveos. C'est eux qui décident tout. Ils ont eu ce qu'ils voulaient, ils se sont départis de nous. C'était tout arrangé d'avance», affirme avec amertume un travailleur, Martin Bergeron.

Maxime Dolci craint que son travail soit transféré dans d'autres pays où la main-d'oeuvre coûte moins cher.

«Aveos a des installations au El Salvador. Ils nous ont présenté récemment une vidéo montrant les agrandissements qu'ils voulaient faire là-bas. Je crois qu'ils veulent se replier là-bas. Mais ils ne seront pas capables de tout prendre», poursuit-il.

En plus, agir ainsi serait à son avis complètement illégal.

«En 1988, quand la loi qui a décrété la privatisation d'Air Canada a été votée, elle obligeait la compagnie à maintenir les opérations d'entretien à Montréal, Toronto et Winnipeg. Avéos est maintenant hors-la-loi», déplore-t-il.

Sur la ligne de piquetage érigée ce lundi matin, c'était l'indignation générale. Certains travailleurs ont appris dimanche, par leurs confrères, ou dans les médias, qu'ils n'avaient plus de travail ce lundi. D'autres qui travaillaient ce jour-là ont carrément été invités à quitter pour ne plus revenir.

Sans savoir ce qui se passait. Lockout ? Faillite ? Tous se posaient la question.

«La direction d'Aveos ne répond même pas au téléphone», déplorait le président du syndicat, Marcel Saint-Jean, vers 10h30. Un peu plus tard, il a finalement reçu un coup de fil.

«Aveos est présentement devant le Tribunal pour demander d'être mise en faillite», a alors annoncé l'homme au porte-voix.

Nouvelle accueillie avec amertume par le groupe, qui n'avait que les mots «sauvages», «dégoûtants» et «hors-la-loi» sur les lèvres.

Quelques politiciens sont passés sur les lieux pour tenter de réconforter les nouveaux chômeurs.

Richard Bergeron, chef de Projet Montréal, les a invités à se rendre au conseil de Ville ce lundi soir pour réclamer une intervention de la mairie.

Puis une représentante du NPD, Daniel Paillé du Bloc Québécois, et le bouillant libéral Denis Coderre, sont aussi passés.

«Quand Air Canada s'est départie de son service d'entretien, le ministre de l'époque Chuck Strahl disait qu'avec Aveos, il n'y aurait pas de perte d'emploi. Je suis en maudit aujourd'hui. Je vais travailler avec vous. Je veux savoir c'est quoi le plan secret d'Air Canada. Je demande aux ministres conservateurs Denis Lebel (Transports) et Christian Paradis d'intervenir. Ce n'est pas une question politique, mais humanitaire», a-t-il lancé.

Mais dans un bref communiqué de presse, Lebel a répondu qu'il s'agissait d'une décision d'affaires prise par une entreprise privée.

Malgré les bons mots, les travailleurs ont peu d'espoir du côté des politiciens. Ils aimeraient bien voir Aveos être reprise par d'autres entreprises. On rêve au transporteur allemand Lufthansa.

Mais dans les faits, on n'y croit pas. Les emplois perdus en étaient de choix. Des travailleurs bien formés et bien rémunérés.