Bousculés par la CSeries, les États-Unis, l'Europe, le Japon, le Brésil et le Canada ont mis en place de nouvelles règles pour le financement public des avions commerciaux.

Le nouvel Accord sectoriel sur les crédits à l'exportation des aéronefs civils de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) est entré en vigueur le 1er février dernier, mais ce n'est que ce matin que les pays participants procéderont à une cérémonie officielle de signature à Paris.

Bombardier s'est montrée satisfaite du résultat des négociations.

«Nous sommes bien à l'aise avec le nouveau programme», a déclaré Marc Meloche, directeur principal de l'équipe d'ingénierie financière de Bombardier Aéronautique, au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires.

Il a rappelé que c'était l'introduction de la CSeries qui avait amené les pays participants à revoir les anciennes règles sur les crédits à l'exportation des avions commerciaux. La nouvelle famille d'appareils de 110 à 130 places de Bombardier n'entrait pas facilement dans les catégories prévues dans l'ancien régime.

L'ancien accord, entré en vigueur en 2007, prévoyait deux séries de règles: une pour les appareils d'Airbus et de Boeing, l'autre pour les autres appareils commerciaux, soit essentiellement les avions régionaux, comme ceux que construisaient alors Bombardier et l'avionneur brésilien Embraer.

Une grande partie des conditions des crédits à l'exportation des appareils de la première catégorie faisaient l'objet de discussions entre les États-Unis et les quatre pays membres européens. Les conditions des crédits à l'exportation des appareils de la deuxième catégorie suivaient davantage les normes du marché commercial. Les taux d'intérêt offerts par des sociétés gouvernementales comme Exportation et développement Canada (EDC) s'alignaient donc sur ce qui était disponible sur le marché.

Airbus et Boeing ne s'opposaient pas à ces règles différentes, parce que les deux types d'appareils ne visaient pas le même marché. Or, la CSeries est venue brouiller les distinctions entre les deux catégories. Dans sa version à haute densité, le plus imposant membre de cette nouvelle famille, le CS300, pourrait compter jusqu'à 145 places et concurrencer ainsi les plus petites versions du B737 et de l'Airbus A320.

Bombardier voulait que la CSeries entre dans la deuxième catégorie.

M. Meloche a soutenu que les conditions régissant cette catégorie n'étaient pas nécessairement plus favorables, mais que Bombardier tenait à ce que tous ses appareils entrent dans une même catégorie.

Les autres acteurs ne s'entendaient cependant pas sur la façon de catégoriser la nouvelle famille.

«C'est l'introduction de la CSeries qui a généré le désir d'éliminer les distinctions et d'avoir une même catégorie pour tout le monde, a affirmé M. Meloche. Nous les avons encouragés.»

En vertu des nouvelles règles, les conditions des crédits à l'exportation suivent dorénavant les taux du marché pour tous les types d'appareils.

«Le fait d'avoir les mêmes conditions, ça rend la vie plus facile pour les manufacturiers et pour les acheteurs, ça permet de mieux comparer, a indiqué M. Meloche. Nous voulions que l'élément de financement ne soit qu'un élément secondaire dans la décision de choisir un appareil.»

Il y avait un autre aspect au problème: selon une pratique bien établie, les États-Unis et l'Europe s'entendaient pour ne pas accorder de crédits à l'exportation lorsque Airbus et Boeing étaient en concurrence aux États-Unis ou en Europe. La raison était simple: Airbus aurait bénéficié d'un avantage sur Boeing si elle avait pu offrir des crédits à l'exportation à un transporteur américain. Et vice-versa.

La venue de la CSeries est venue bousculer tout ça.

«La position du Canada, c'était d'offrir du financement dans tous les marchés du monde, sans restriction, a indiqué M. Meloche. Son appui à un nouvel accord était sur cette base.»

Le nouvel accord ne prévoit pas de restrictions. Les États-Unis et l'Europe pourront continuer à s'entendre ensemble pour ne pas accorder de crédits à l'exportation lorsque Boeing et Airbus seront en concurrence chez eux, mais ils devront vraisemblablement recourir à de tels crédits si la CSeries se joint à la course.

Si le gouvernement canadien s'est aussi montré favorable au nouveau régime, ce n'est pas le cas d'Air Canada,

La porte-parole du transporteur, Isabelle Arthur, a soutenu que les nouvelles règles risquaient d'augmenter les coûts de financement des 37 appareils Boeing 787 commandés par le transporteur. La livraison de ces avions devrait commencer en 2013.

«L'impact financier sera déterminé quelque temps avant la livraison des appareils, lors de la finalisation du financement», a déclaré Mme Arthur.