La CSeries de Bombardier ne fait pas partie des plans d'Air France.

Toutefois, si la nouvelle famille d'appareils de 110 à 130 places de Bombardier se révèle très performante, Air France pourrait modifier ses plans.

« Pour l'instant, ce ne serait pas facile d'intégrer la CSeries dans nos plans, a déclaré le directeur général d'Air France-KLM, Pierre-Henri Gourgeon, au cours d'une brève entrevue avec La Presse Affaires hier, en marge d'un déjeuner-causerie organisé par la Chambre de commerce française au Canada. Pour que ça nous intéresse, il faudrait que nous changions un peu notre façon de faire. »

Air France exploite présentement des appareils Airbus et Boeing. Le fait d'exploiter une nouvelle famille d'appareil nécessiterait des investissements additionnels en formation et en entretien.

« Mais nous regardons cela avec attention, parce que si l'avion est très performant, nous allons peut-être changer notre façon de faire », a indiqué M. Gourgeon.

Plusieurs transporteurs aériens ont exprimé leur intérêt au sujet de la CSeries au cours des dernières années, mais les commandes fermes tardent à se matérialiser. La dernière société à se montrer intéressée est le petit transporteur régional suisse Sky Work, qui exploite présentement deux turbopropulseurs à partir de Berne, dont un Q400 de Bombardier. Selon la publication spécialisée Flight International, la petite société annoncera un plan d'expansion le 21 octobre prochain. Dans un premier temps, elle devrait offrir davantage de liaisons en Europe, mais elle entend également offrir dès l'année prochaine de plus longs trajets, notamment en direction des îles Canaries.

Le chef de la direction de Sky Work, Tomislav Lang, a indiqué à Flight International que la CSeries serait l'appareil idéal pour ce type de liaison, notamment parce que l'appareil offre un bon rayon d'action et parce qu'il peut quand même atterrir sur des pistes relativement courtes, comme celle de Berne.

Toutefois, la CSeries n'entrera pas en service avant 2013, ce qui est un peu tard pour Sky Work. Le petit transporteur pourrait donc louer entre-temps deux Airbus A319 ou Boeing 737-700.

Sky Work est toutefois une toute petite société si on la compare au géant qu'est le groupe Air France-KLM. Celui-ci est le principal transporteur européen, avec 13 % du trafic entre l'Europe et le reste du monde. British Airways et Lufthansa ont chacun une part de marché de 10 %.

Avec son partenaire Delta, le groupe Air France-KLM contrôle également de 25 à 30 % du marché de l'Atlantique Nord.

M. Gourgeon voit toutefois une menace à l'horizon, les transporteurs du golfe Persique, soutenus par leurs gouvernements.

« Les pays du golfe, qui disposent de ressources financières colossales, essaient de transformer la richesse, évidemment limitée dans le temps, que représente la production de pétrole, en une activité économique durable », a-t-il expliqué dans son discours hier.

Il a indiqué que les gouvernements soutenaient ainsi le développement du tourisme, du commerce et du transport aérien. Ces pays veulent notamment jouer la carte des plaques tournantes entre les divers continents.

« Ils soutiennent des transporteurs aériens qui se développent convenablement, qui offrent un produit correct, qui emploient des professionnels qui conviennent et qui commandent des avions par dizaines, par vingtaines », a ajouté M. Gourgeon.

À elle seule, Emirates a commandé 90 appareils A380, c'est deux fois plus que le total des commandes passées par Air France-KLM, British Airways et Lufthansa.

« Nous sommes dans des conditions de compétition qui nous défavorisent, a soutenu M. Gourgeon. C'est préoccupant et dangereux. »

Il a expliqué que les transporteurs aériens du golfe pouvaient pratiquer des tarifs beaucoup moins élevés que les transporteurs européens.

Air France-KLM entend réagir avec de nouveaux partenariats, notamment avec des transporteurs chinois. Le principal transporteur de ce pays, China Southern, fait partie de la même alliance qu'Air France-KLM, SkyTeam. Un autre transporteur important, China Eastern, a également choisi SkyTeam, tout comme China Airline, une société de Taïwan, qui vient de déposer sa candidature.

« Dans ce pays extrêmement prometteur, nous avons presque toutes les sociétés aériennes avec nous, a lancé M. Gourgeon. Il n'y a qu'Air China qui soit à l'extérieur, avec Star Alliance. »

Les partenaires entendent offrir davantage de vols directs entre l'Europe et la Chine, court-circuitant ainsi les plaques tournantes des transporteurs du golfe.