Doubler sa taille... tout en réduisant de moitié sa consommation d'énergie: c'est ce qu'a réussi l'aéroport Montréal-Trudeau, qui deviendra officiellement aujourd'hui le premier aéroport en Amérique du Nord à vendre des crédits de carbone.

Aéroports de Montréal (ADM) a vendu 24 203 tonnes de carbone à un prix de 5$ la tonne pour un montant total de 121 015$, une transaction qui sera inscrite aujourd'hui au registre de l'Association canadienne de normalisation.

«Quand on a démarré tout ça, notre motivation était vraiment notre conscience environnementale. On a décidé que, tant qu'à refaire notre aérogare, on allait revoir les façons de faire», explique Christiane Beaulieu, vice-présidente, affaires publiques, chez ADM.

ADM a réduit sa consommation totale d'énergie de 55% depuis 2004 tout en agrandissant ses installations.

Comment? D'abord en changeant la centrale thermique au gaz naturel qui chauffe l'aéroport.

ADM utilisait auparavant une vieille chaudière qui acheminait sa chaleur par un tunnel de 1,5 kilomètre, engendrant d'importantes pertes.

La centrale était éloignée de l'aéroport parce qu'elle émettait un nuage de vapeur qui aurait pu nuire à la visibilité des pilotes.

C'est la boîte montréalaise Sofame qui a fourni la solution. Par un système de récupération de chaleur, l'entreprise a supprimé l'émission de vapeur tout en augmentant l'efficacité de la nouvelle centrale, ce qui a permis de l'intégrer au terminal.

Autre mesure: plutôt que d'utiliser des génératrices au diesel pour alimenter en électricité les avions stationnés au sol, ADM a décidé de les brancher à son réseau électrique.

Elle s'est aussi dotée de «rideaux intelligents» qui s'ajustent automatiquement selon la température et le degré d'ensoleillement, un système conçu avec l'Université Concordia.

«La fenestration est immense à l'aéroport, ça a donc un impact important», souligne Mme Beaulieu.

ADM n'a pas été en mesure de chiffrer les coûts des mesures d'efficacité énergétique, expliquant qu'ils s'inscrivent dans la facture totale de 1,5 milliard de dollars dépensée pour agrandir l'aéroport.

ADM a émis l'équivalent de 6500 tonnes de CO2 dans l'atmosphère l'an dernier, comparativement à 10 535 si elle avait agrandi ses installations sans efforts d'efficacité énergétique - une réduction de près de 40%.

«Habituellement, dans le secteur du bâtiment, on voit des réductions de l'ordre de 20 à 25%. Le projet d'ADM est vraiment state of the art - c'est certainement un projet phare à Montréal», commente Yves Legault, vice-président, développement corporatif, chez Solutions L2i, la firme québécoise qui a quantifié, puis acheté les crédits de carbone d'ADM.

L2i prendra possession des crédits de carbone aujourd'hui pour éventuellement les revendre à profit ou les conserver dans un but de spéculation.

Mercredi, le gouvernement du Québec a déposé un projet de règlement pour obliger les entreprises qui émettent plus de 10 000 tonnes de gaz à effet de serre annuellement à déclarer leurs émissions. Il s'agit d'une règle du marché de carbone Western Climate Initiative que le Québec compte former avec sept États américains et trois autres provinces canadiennes.

Les projets de réduction d'ADM lui permettent donc de glisser sous le seuil réglementaire. Il n'a cependant pas été possible hier de confirmer si Aéroports de Montréal, une entreprise sous juridiction fédérale, aurait été soumise au règlement québécois de toute façon.