Le consortium de Bombardier, Bombela, n'aurait jamais pu décrocher le contrat du Gautrain sans s'associer à de petits investisseurs locaux en vertu des politiques de réparation de l'Afrique du Sud.

Ces politiques visent à redonner le contrôle des leviers économiques aux populations qui ont été dépouillées de leurs droits durant le régime de l'Apartheid, de 1948 à 1991. Il s'agit des Noirs, des Métis et des Sud-Africains d'origine indienne. Mais de la théorie à la pratique, il y a un grand pas.

Bombela s'est associé au Strategic Partners Group (SPG), un groupe d'investisseurs bigarré: petits entrepreneurs, association de taxis, groupes de femmes et de jeunes, etc. Du nombre se trouve David Moshapalo, un activiste de la première heure du «black empowerment».

À son premier emploi, dans une mine d'or, il enseignait le soir venu aux mineurs qui vivaient dans le même dortoir pour travailleurs (hostel) que lui. Bref, si les dirigeants du consortium cherchaient une façade noire, ils sont mal tombés.

David Moshapalo le reconnaît d'emblée. Lui et ses collègues investisseurs ne connaissaient rien à l'industrie ferroviaire lorsqu'ils se sont associés à Bombela en 2002.

C'était la première fois que ce défenseur des businessmen noirs pouvait mettre en pratique le partage du pouvoir économique qu'il préconisait lorsqu'il siégeait sur la Black Business Empowerment Commission. C'est cette commission qui a donné naissance à la fameuse loi sur le Black Economic Empowerment (BEE) qui, depuis 2003, a commencé à ouvrir le capital des entreprises d'Afrique du Sud.

«Nous n'avions jamais participé à un projet aussi gros. Et nos trois partenaires, des multinationales n'avaient jamais eu à composer avec un associé aussi petit. Ils ont dû avoir leurs doutes», raconte le président exécutif du conseil de SPG.

De fait, les débuts ont été difficiles. «Mais il était hors de question que nous restions un partenaire passif», raconte cet homme d'affaires qui, sous l'Apartheid, a collectionné les métiers, de mineur à ferrailleur en passant par vendeur d'assurance, constructeur et distributeur d'alcool.

SPG s'est trouvé des partenaires qualifiés, comme le constructeur sud-africain Stefanutti. Puis, SPG a soumissionné sur des sous-contrats du Gautrain pour financer sa participation au consortium Bombela.

Ils ont commencé petit. La construction du hangar de Midrand où Bombardier finit d'assembler les voitures de Gautrain. La stabilisation d'un terrain fragile. Puis, le travail s'est complexifié. «Nous avons gagné leur confiance», dit David Moshapalo.

Bombardier a offert à SPG de former une coentreprise à parts égales pour poser les 80 kilomètres de voies ferrées du Gautrain, un contrat de 820 millions de rands (114 millions CAN). «Nous leur avons confié un morceau important du contrat pour qu'ils acquièrent une expertise porteuse d'avenir», dit Dave Barry, vice-président Gautrain, de Bombardier Transport. Le Gautrain roule sur des voies normales, alors que les trains en Afrique du Sud roulent encore sur des voies métriques, plus étroites.

Cette coentreprise, Isithimela Rail Services (train en zulu) n'a pas terminé son premier contrat qu'elle soumissionne sur d'autres projets de pose et de maintenance de rails. Et ce n'est qu'une des coentreprises de SPG qui poursuivra sa route après le Gautrain.

«Certains auraient pu se contenter du versement de frais de gestion comme rendement sur l'investissement, dit David Moshapalo. Nous avons fait du Gautrain un projet qui laissera un héritage.»