Malgré les divers avantages que peut apporter une plus grande mondialisation, l'industrie de l'aérospatiale et de la défense traîne la patte.

Elle craint notamment le manque de protection de la propriété intellectuelle, les différences culturelles et les risques financiers accrus liés aux échanges internationaux.

C'est la constatation de la firme PriceWaterhouseCoopers (PWC) dans un rapport sur la mondialisation dans l'industrie de l'aérospatiale et de la défense, intitulé «Accelerating Global Growth». La firme a rédigé ce rapport à partir d'entrevues réalisées avec 15 dirigeants d'entreprises de divers pays. «Lorsqu'on parle de clients, c'est une industrie très globale, mais lorsqu'on parle de fournisseurs, je dirais que nous sommes en voie de nous globaliser, commente la vice-présidente à la stratégie et au développement des affaires de Bombardier Aéronautique, Mairead Lavery, citée dans le rapport. En ce qui nous concerne, nous avons des clients dans plus de 100 pays, mais des fournisseurs dans une quarantaine de pays seulement.»

PWC prend en compte trois éléments pour comparer le degré de mondialisation de diverses industries: la proportion d'importations et d'exportations sur le chiffre d'affaires total, le pourcentage de production effectuée à l'étranger et le degré de globalisation de la technologie ou de la recherche et développement.

Selon ces critères, l'industrie de l'aérospatiale et de la défense se retrouve au huitième rang des industries les plus mondialisées, derrière l'automobile. L'informatique, les produits chimiques et la pharmaceutique occupent les trois premiers rangs. Les tendances en ce qui concerne les fusions et acquisitions montrent également les limites de la mondialisation dans l'industrie de l'aérospatiale et de la défense: au cours des 10 dernières années, la plupart de ces transactions ont été effectuées en Amérique du Nord et en Europe, ou entre ces deux régions. En 2009, 76% des cibles des transactions de plus de 50 millions US étaient situées en Amérique du Nord et en Europe.

PWC constate également que seulement 12% des administrateurs des 10 plus grandes entreprises mondiales de l'aérospatiale et de la défense proviennent de l'extérieur du pays de l'entreprise. Cette proportion est de 15% dans l'industrie pétrolière et gazière et de 27% dans l'industrie pharmaceutique.

Pourtant, la mondialisation peut présenter plusieurs avantages, à commencer par un meilleur accès à des marchés étrangers. PWC note que d'ici 2028, les régions autres que l'Amérique du Nord et l'Europe exploiteront 50% de toute la flotte mondiale de l'aviation commerciale. Le marché de l'Asie-Pacifique devrait croître de 70% pendant cette période, ce qui en fera le plus grand marché pour les nouveaux appareils.

Il peut évidemment être avantageux de faire effectuer une partie de la production dans des pays où les coûts de main-d'oeuvre sont peu élevés. Mais la mondialisation permet également d'avoir accès à de nouveaux talents. PWC note que l'Inde produit présentement autant d'ingénieurs que les États-Unis, et que la Chine décerne plus de doctorats en ingénierie et en technologie que les États-Unis ou l'Inde.

Selon le responsable du groupe Aérospatiale et défense de PWC Canada, Mario Longpré, la défense explique en partie la mondialisation encore incomplète de l'ensemble de l'industrie. «Il y a des pays avec lesquels tu ne fais pas affaires si tu fais affaires avec les États-Unis», rappelle-t-il.

L'aérospatiale éprouve également des craintes au sujet de la protection de la propriété intellectuelle. Or, les marchés les plus prometteurs sont parfois ceux qui, selon les dirigeants, accordent une moins grande protection, comme la Chine, l'Inde et la Pologne. «Le défi, c'est d'avoir une présence à l'intérieur, de sécuriser les marchés futurs, tout en protégeant la propriété intellectuelle», indique M. Longpré.

Les différences culturelles constituent également une barrière aux échanges internationaux, surtout lorsque vient le temps de parler d'éthique. Les risques financiers sont également problématiques, qu'il s'agisse du risque de change ou de la complexité des régimes fiscaux des divers pays.