Après avoir raflé la moitié du marché des biréacteurs régionaux et fait sa place sur le marché de l'aviation d'affaires, Embraer s'attaque au marché des avions de transport militaires avec le KC-390. L'industrie aéronautique québécoise veut monter à bord.

Les chances sont excellentes. Déjà, Embraer fait affaires avec plusieurs fournisseurs québécois pour ses appareils régionaux et ses avions d'affaires. En fait, l'approvisionnement en provenance du Canada représente de 20 à 25% de l'approvisionnement total de l'avionneur brésilien, soit 500 millions de dollars par année.

Les entreprises québécoises auront l'occasion de se faire valoir: au cours de la première semaine de février, une délégation du département de l'approvisionnement d'Embraer sera à Montréal pour rencontrer des candidats.

«Cette mission suscite beaucoup d'intérêt, commente le président-directeur général de l'Association québécoise de l'aérospatiale, Jacques Saada. Plus de 60 entreprises se sont inscrites. Il y a environ 215 PME en aéronautique au Québec. C'est donc plus du quart qui se sont manifestées.»

C'est toutefois Embraer qui fera le tri et qui choisira quelles entreprises rencontrer à partir des profils envoyés.

«Le marché est plus difficile, commente M. Saada. Les entreprises sont intéressées à se trouver de nouveaux débouchés.»

Le KC-390

Embraer avait fait savoir en 2007 qu'il entendait fabriquer un avion de transport militaire à partir de l'E190, son plus gros biréacteur régional. L'avionneur brésilien a toutefois réalisé que l'appareil ne serait pas satisfaisant. Après avoir discuté avec les clients potentiels, et notamment avec les forces aériennes brésiliennes, Embraer a lancé en avril 2009 le KC-390, un appareil plus gros, totalement nouveau, qui entrera en compétition avec le légendaire avion de transport Hercule C-130 de Lockheed Martin.

Le Brésil s'est engagé à commander 22 appareils KC-390 alors que la France a annoncé son intention d'en commander de 10 à 12, en contrepartie d'une commande de 36 avions de combat français Rafale passée par le Brésil.

Embraer entend identifier les fournisseurs du nouvel appareil au cours de l'année 2010.

«C'est le bon moment», lance M. Saada.

Héroux-Devtek, un manufacturier de trains d'atterrissage et d'autres composantes pour l'industrie aéronautique, a déjà fait une proposition à Embraer.

«Nous avons de l'expérience dans les trains d'atterrissage pour les avions de transport militaires, note le président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, Gilles Labbé, en entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Nous connaissons l'environnement dans lequel ils travaillent. Ce ne sont pas des avions d'affaires, ils atterrissent souvent dans la gravelle.»

Héroux-Devtek est déjà un fournisseur d'Embraer. L'entreprise de Longueuil travaille présentement sur la conception des trains d'atterrissage des deux plus récents biréacteurs d'affaires de l'avionneur brésilien, le Legacy 450 et le Legacy 500.

De son côté, Sonaca Canada est un fournisseur de longue date d'Embraer. L'entreprise de Mirabel fournit notamment les panneaux d'aile des plus gros biréacteurs régionaux de l'entreprise, l'E190 et l'E195, et du Phenom 300, un nouveau biréacteur d'affaires léger.

«Embraer représente 25% de nos revenus», indique le chef de la direction de Sonaca Canada, Philippe Hoste.

Il rappelle que la société mère, Sonaca, a été une des premières entreprises internationales à croire aux projets d'Embraer et à devenir un partenaire lorsque le fabricant s'est lancé dans l'aviation commerciale.

«Embraer a été fort reconnaissante, a déclaré M. Hoste. Nous allons essayer de profiter de nos bonnes relations pour participer au KC-390, mais nous ne recevrons pas de contrats sur un plateau d'argent.»

CMC Électronique, qui fabrique des organiseurs de vol électroniques pour les biréacteurs régionaux E170 et E190 d'Embraer depuis quelques années, cible également le KC-390.

«C'est définitivement un projet d'intérêt pour toute notre famille de produits, soit les organiseurs de vols électroniques (de petits ordinateurs de bord qui remplacent les valises de documents que doivent transporter les pilotes), les capteurs de vision améliorée, les récepteurs GPS et les systèmes de gestion de vol, indique la directrice des relations publiques de CMC, Janka Dvornik. Cela fait des années que nous sommes en discussion avec Embraer sur ce programme.»

Les petites entreprises intéressées aussi

Les plus petites entreprises québécoises sont également intéressées à monter à bord du gros appareil militaire d'Embraer. DCM Aéronautique, une entreprise de Boisbriand qui compte 37 employés, a déjà obtenu un contrat pour fournir des outils d'entretien pour le Phenom 300. Elle est également en voie d'obtenir un mandat pour le Legacy 450.

«Ça nous place en bonne position pour le KC-390, mais il faut livrer la marchandise», note le président de DCM, Mario Lépine.

Il explique que rien n'est jamais gagné.

«Ce qui nous a permis de décrocher le contrat du Phenom 300, c'est l'insatisfaction d'Embraer face à l'entreprise qui avait remporté le même genre de contrat pour le Phenom 100», explique-t-il.