Les pétroliers à l'ancre dans le monde, si nombreux qu'ils pourraient former une ligne longue de plus de 41 kilomètres, pourraient provoquer une chute des tarifs de 25% l'an prochain.

Dans six mois, ces navires vont décharger 26% du pétrole brut et des produits pétroliers qu'ils stockent dans leurs cales, ce qui ajoutera à l'offre de bâtiments et fera descendre les tarifs exigés par les propriétaires de superpétroliers à une moyenne de 30 000 US par jour, comparativement à 40 212 US en ce moment, selon la prévision médiane de 15 analystes, courtiers maritimes et opérateurs sondés par Bloomberg. C'est moins que ce que Frontline Ltd., le plus important exploitant de navires, dit avoir besoin pour atteindre le seuil de rentabilité.

Les courtiers ont réservé un nombre record de navires pour fins de stockage cette année pour tirer parti de contrats à plus long terme sur des produits énergétiques, selon SSY Consultancy&Research, une division du courtier maritime qui vient au deuxième rang dans le monde. Les navires qui ne seront plus utiles à cette fin viendront se mêler à la concurrence pour le transport tout juste au moment où les livraisons consécutives au plus gros carnet de commandes de tous les temps des chantiers navals font gonfler la flotte mondiale.

«Le marché des pétroliers défiait la gravité», avance Martin Stopford, directeur londonien de Clarkson Plc, premier courtier maritime au monde. M. Stopford couvre le domaine du transport maritime depuis 1971.

Plus de la moitié des pétroliers à l'ancre se trouvent dans les eaux européennes, le reste étant disséminé en Asie, aux États-Unis et en Afrique de l'Ouest. Si on les mettait bout à bout, ils formeraient une ligne de plus de 41 kilomètres, assez pour bloquer la Manche.

Les courtiers stockent suffisamment de pétrole en mer pour approvisionner les 27 pays de l'Union européenne pendant plus de trois jours. Royal Dutch Shell, première société pétrolière d'Europe, BP, de Londres, JPMorgan Chase&Co., et Morgan Stanley font partie des compagnies qui ont réservé des pétroliers pour fins de stockage.

À la fin de novembre dernier, 168 pétroliers stockaient du pétrole ou des produits pétroliers, selon des données de Simpson, Spence&Young, deuxième courtier maritime au monde. Leur capacité totale de transport, soit 23,8 millions de tonnes de poids en lourd, est égale à 5,9% de celle de la flotte de pétroliers. Cela brise un ancien record établi en 1981, année où des raffineurs japonais avaient utilisé des pétroliers présentant une capacité combinée de 19,5 millions de tonnes de poids en lourd.

Ce stockage a contribué à faire grimper les tarifs des pétroliers cette année tandis que l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, qui fournissent 40% de l'approvisionnement mondial en pétrole, ont eu recours aux plus importantes baisses de production en réaction à la pire récession mondiale depuis la Deuxième Guerre mondiale.

La solution du stockage est rentable tant que l'écart entre les contrats à terme sur les produits énergétiques dépasse les coûts de location des navires, des assurances et du financement. Il y a un an, l'écart entre le premier et le sixième contrat sur le pétrole brut Brent transigés à une Bourse spécialisée à Londres était de 23%. Aujourd'hui, il est de 4%.