Tel qu'elle l'avait annoncé plus tôt ce mois-ci, Bombardier (T.BBD.B) révise à la baisse la cadence de production de ses avions CRJ et de ses appareils amphibies 415, une mesure qui entraînera plus de 715 mises à pied au sein des installations de la compagnie dans la région de Montréal à compter du mois de janvier.

Tout indique cependant que cette mesure est temporaire, alors que l'avionneur québécois cherche à protéger sa main-d'oeuvre qualifiée en vue d'une reprise.

La division de l'aéronautique de l'entreprise a expliqué dans un communiqué de presse, jeudi, que cette décision a dû être prise en raison de la conjoncture économique et de la situation de l'industrie du transport aérien qui rendent toujours difficile l'obtention de nouvelles commandes d'avions, particulièrement pour la gamme d'avions CRJ, des appareils commerciaux biréacteurs régionaux.

«Il fallait décider ces jours-ci de la cadence de production pour l'an prochain, afin justement  de commander le bon nombre de pièces, le bon nombre de moteurs, etc. On a donc dû se rendre à l'évidence qu'il fallait baisser cette cadence de production afin de ne pas produire des avions qui ne seraient pas assignés à un client en particulier,» a expliqué en entrevue téléphonique le porte-parole de l'entreprise, Marc Duchesne.

Du côté syndical, c'est surtout l'ampleur de la compression qui étonne, a expliqué David Chartrand, le directeur québécois de l'Association internationale des machinistes et travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA-FTQ): «On n'est pas surpris qu'il y ait des mises à pied. On est cependant surpris de la quantité. On ne s'attendait pas à ce qu'il y en ait tant que ça».

«Les employés nous disaient qu'ils avaient moins d'ouvrage que d'habitude, mais l'employeur nous disait qu'il était en négociations avec plusieurs clients pour essayer de vendre des avions. Peut-être qu'en raison du contexte économique, les réponses ne venaient pas assez vite. Les compagnies ne se commettaient pas et l'employeur n'avait plus le choix.»

Bien qu'il soit déçu, M. Chartrand se montre optimiste: «L'employeur nous dit que c'est temporaire, qu'il y a une période de temps où la production va ralentir mais que ça va revenir.»

Il ajoute que Bombardier a même donné des signes qu'il ne veut pas perdre ses travailleurs qualifiés: «Nous avons discuté avec l'employeur de la possibilité de se prévaloir des programmes gouvernementaux de travail partagé, ce qui permettrait de maintenir plus de monde au travail. On a souvent suggéré à l'employeur de considérer ce genre de programme dans le passé et ils ont toujours refusé. Pour la première fois il y a une ouverture d'esprit de leur part. Ils disent que ça leur permettrait de maintenir une main-d'oeuvre et son expertise en emploi pour une relance éventuelle de l'industrie aéronautique d'ici quelques années».

L'optimisme est d'ailleurs de mise du côté patronal, si l'on se fie aux propos de M. Duchesne: «Ce n'est pas la mort du CRJ. Nos récentes prévisions de marché pour ces appareils parlent de 5800 avions similaires au CRJ requis au cours des prochains 20 ans. Cette niche-là demeure donc très intéressante à long terme».

De plus, l'avionneur québécois n'a nullement ralenti le développement de ses nouveaux appareils et est toujours à recruter quelque 500 ingénieurs, notamment pour la CSeries qui sera assemblée à Mirabel.

«Ces avions vont arriver sur le marché à temps pour capturer la hausse du marché et de la demande. La CSeries va entrer en service en 2013, le Learjet85 également en 2013. Ces appareils-là vont être prêts pour capturer la demande dans le marché.»

La reprise éventuelle de la demande pour les CRJ et l'entrée en production de la CSeries et de la nouvelle génération de jets régionaux (CRJ1000 NextGen) exigeront à moyen terme l'embauche de milliers de travailleurs.

Entre-temps, toutefois, Bombardier doit ajuster sa production à la réalité économique actuelle.

Le 9 novembre dernier, devant le Cercle canadien de Montréal, le président et chef de la direction du groupe Bombardier, Pierre Beaudoin, avait déjà indiqué que la compagnie devrait ajuster la cadence de production de ses jets régionaux d'ici le 31 janvier, la fin de l'exercice en cours.

La révision de la cadence de production des avions CRJ se poursuivra au cours des deux premiers trimestres du prochain exercice financier.

La révision des effectifs comporte également un petit nombre de mises à pied liées à la réduction de la cadence de production des avions amphibies Bombardier 415, a précisé l'entreprise.

Ces pertes d'emploi viennent s'ajouter aux quelque 4360 mises à pied - dont 1740 dans la région montréalaise - annoncées précédemment pour l'exercice financier en cours, dans les établissements de Bombardier Aéronautique du monde entier.

Depuis plusieurs mois, le carnet de commandes des CRJ et des jets d'affaires de Bombardier fond à vue d'oeil, en raison d'annulations et du peu de nouveaux contrats octroyés par les transporteurs aériens, les entreprises en général et les particuliers.

Au 31 juillet, le carnet de commandes de Bombardier comptait 116 CRJ à construire, contre 146 au 31 janvier.