Incité par Boeing, Washington a communiqué avec Ottawa pour vérifier si l'aide gouvernementale canadienne accordée à Bombardier pour le développement de la CSeries respectait les règles internationales du commerce.

«Les représentants du gouvernement des États-Unis ont soulevé des questions lors des rencontres bilatérales avec les représentants du gouvernement du Canada concernant l'investissement du gouvernement du Canada dans le programme CSeries», a déclaré à La Presse Affaires hier une porte-parole du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada.

Elle a soutenu que l'investissement du Canada dans ce programme respectait ses obligations commerciales internationales.

Pour développer la CSeries, Bombardier pourra bénéficier d'un investissement remboursable de 350 millions de dollars du gouvernement canadien, de 118 millions du gouvernement québécois et de 134,37 millions de livres du gouvernement britannique.

Boeing avait pris contact avec l'administration Bush peu de temps après le lancement de la CSeries, en juillet 2008, parce qu'elle craignait que cette aide gouvernementale ne viole les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le temps n'a pas atténué ses inquiétudes et elle est repassée à l'attaque lorsqu'une nouvelle équipe a pris le pouvoir à Washington.

«Nous avons soulevé la question avec l'administration Obama, a déclaré Tim Neale, directeur des communications de Boeing Avions commerciaux à Washington, DC., en entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Notre but, c'est de vous assurer que tous les concurrents soient sur le même pied d'égalité.»

M. Neale a rappelé qu'il appartenait à Washington de vérifier si les autres gouvernements suivaient les règles internationales.

«C'est pour cela que nous avons parlé à notre propre gouvernement, afin de le sensibiliser et de l'amener à poser les bonnes questions.»

Avant de déposer une plainte auprès de l'OMC, un gouvernement cherche d'abord à discuter avec le gouvernement apparemment fautif.

«C'est ce qui s'est passé dans le cadre de notre dispute avec l'Europe au sujet du financement des programmes d'Airbus, a indiqué M. Neale. Il y a eu un certain nombre de rencontres et de discussions pour voir s'il était possible de régler le problème sans aller auprès de l'OMC, mais cela n'a pas fonctionné et notre gouvernement a officiellement déposé une plainte.»

L'OMC vient d'ailleurs d'envoyer un rapport préliminaire aux parties impliquées dans ce conflit, mais sa teneur n'a pas été rendue publique. D'ici six mois, l'organisation internationale devrait produire un rapport préliminaire dans le cadre d'une plainte déposée par l'Europe contre les États-Unis au sujet de l'aide gouvernementale à Boeing.

La CSeries, famille d'appareils de 110 à 130 places, entrera en concurrence avec les plus petits appareils de Boeing, le 737-600 (110 places) et le 737-700 (126 places). Boeing a de la difficulté à vendre le 737-600: elle n'a récolté que 69 commandes pour cet appareil. Par contre, elle a 1600 commandes pour le 737-700 et 3000 commandes pour son grand frère, le 737-800, à 162 sièges.

«Le marché des appareils qui ne comptent qu'une allée est extrêmement important pour nous, a déclaré le directeur du marketing de Boeing Avions commerciaux, Drew Magill, au cours d'une rencontre avec des journalistes montréalais hier. À l'heure actuelle, nous occupons 50% de ce marché.»

Boeing prévoit que les transporteurs aériens auront besoin de 29 000 nouveaux appareils au cours des 20 prochaines années, dont 19 460 appareils comptant une allée. Ces derniers appareils représenteront 44% de la valeur de l'ensemble du marché, soit 1,4 milliard US. Boeing n'a pas l'intention de laisser Bombardier gruger ses parts de marché, mais elle n'a pas encore déterminé les détails de sa stratégie.

«Tant que nous n'aurons pas vu ce que sera vraiment la CSeries, ce ne sera pas définitif», a déclaré M. Magill. Il a affirmé que Boeing gardait un oeil sur la concurrence, mais qu'elle ne prenait pas ses décisions en fonction de cette concurrence. «Si vous vous concentrez sur la concurrence, vous vous placez en mode rattrapage, a-t-il expliqué. Nous préférons prendre les devants. Ce qui compte, c'est ce que veulent les clients.»

Boeing étudie trois scénarios: apporter diverses améliorations à la famille actuelle du 737, y apporter des changements majeurs de technologie, comme le remplacement des moteurs, ou lancer une nouvelle famille.