La Chine a l'intention de s'attaquer au coeur de l'industrie aérospatiale mondiale grâce à un appareil à réaction appelé «Le gros avion». Le pays cherche ainsi à briser le duopole de Boeing et d'Airbus au sein du marché de 70 milliards US par année.

L'avionneur Commercial Aircraft Corp. of China (Comac), société contrôlée par le gouvernement, a présenté mardi au salon de l'aéronautique de Hong-Kong une maquette du C919, un aéronef de 168 places qui doit entrer en service en 2016.

Comac propose l'appareil comme une solution de rechange moins chère qui utilise jusqu'à 15% moins de carburant que les Boeing 737 et les Airbus A320, qui dominent le marché des aéronefs à couloir unique.

«Les Chinois ont un bon mélange de technologies et de normes occidentalisées», soutient Christof Spaeth, vice-président de Jet Aviation, filiale de General Dynamics établie à Zurich, en Suisse, qui adapte des aéronefs. M. Spaeth a fait ce commentaire tandis qu'il étudiait le C919 à Hong-Kong. «Il se peut que l'appareil fasse une percée sur le marché intérieur et aussi sur les marchés internationaux, a-t-il ajouté. Ce n'est pas facile, mais il y a une chance.»

Les projets de la Chine concernant cet aéronef mettent en lumière les ambitions du pays de ne plus être tout simplement un assembleur à faible coût pour les économies japonaise et occidentale, mais bien de faire une percée au sein des industries établies telles que la construction navale, les téléphones cellulaires et les automobiles. Tandis que Boeing et Airbus sont aux prises avec des délais de production de leurs propres modèles, la Chine a accéléré le premier vol d'essai du C919, qui a été devancé en 2014. Boeing prédit que la Chine aura besoin de 3710 nouveaux avions au cours des 20 prochaines années.

Mettre au point un nouvel avion à réaction commercial à couloir unique peut coûter environ 5 milliards US et il faut compter cinq ou six ans à un avionneur disposant d'une infrastructure établie et des ressources d'ingénierie pour y parvenir, alors qu'un modèle gros-porteur peut coûter deux fois plus. Créer de tels programmes est susceptible de coûter encore plus à une compagnie qui fait tout juste son entrée sur le marché, estime Nick Cunningham, analyste de l'industrie aérospatiale chez Evolution Securities, à Londres.

Mais la Chine n'est pas la seule à vouloir ravir une part plus grande de l'industrie mondiale des aéronefs à couloir unique, qui forme jusqu'à 70% du total. Ainsi, la société montréalaise Bombardier, dont le plus gros appareil disponible est actuellement son CRJ 1000, de 100 places, entend faire son entrée sur le marché des gros-porteurs plus modestes en 2013 grâce à son CSeries, un appareil de 110 à 130 places.

«Il faut blâmer Airbus et Boeing jusqu'à un certain point pour avoir laissé la porte ouverte, a dit M. Cunningham. S'ils souhaitaient réaliser un programme intensif pour mettre au point un appareil utile pour le marché intérieur et uniquement pour ce marché, ils pourraient peut-être le faire vraiment vite.»

La Chine n'aura pas à viser des ventes mondiales une fois son aéronef sur le marché parce que le pays sera vraisemblablement l'acheteur du quart de tous les avions vendus d'ici cinq ans, selon European Aeronautic Defence&Space Co.