Déjà très secoués par la crise économique, les transporteurs aériens risquent d'autres fortes turbulences provoquées cette fois par la menace de la grippe porcine venue du Mexique.

C'est du moins ce qu'en ont déduit les investisseurs boursiers qui ont largué les titres de sociétés aériennes, hier, à la première séance boursière après l'éclosion de la contagion.

Aux États-Unis, les actions des principaux transporteurs ont connu leur pire journée en huit ans. Ils ont chuté en moyenne de 15% selon l'indice sectoriel de l'agence financière Bloomberg.

Au Canada, les trois transporteurs les plus actifs vers le Mexique, Air Canada [[|ticker sym='T.AC.B'|]], WestJet [[|ticker sym='T.WJA'|]] et Transat AT [[|ticker sym='T.TRZ.B'|]], ont aussi écopé de la soudaine inquiétude des investisseurs.

Le voyagiste montréalais Transat AT, pour qui le Mexique constitue près du tiers de son marché des vacanciers d'hiver, a vu ses actions basculer de 10% à 10,75$.

La baisse a été moins prononcée pour les actions d'Air Canada (cat. A) et de WestJet, en recul de 5% à 0,80$ et à 12,12$ respectivement.

Pourtant, de l'avis d'analystes, il est trop tôt pour jauger l'impact de la grippe porcine sur les transporteurs aériens.

«Pour le moment, la récession mondiale demeure bien plus grave, d'autant que la grosse saison des vols vers le Mexique achève. Il en aurait été autrement si cette menace de grippe porcine était survenue en pleine saison, en décembre ou en janvier par exemple», a commenté Cameroun Doerksen, analyste en transports chez Partenaires Versant, à Montréal.

D'ailleurs, la plupart des transporteurs faisaient état hier d'un nombre limité d'appels de voyageurs vers le Mexique qui souhaitaient modifier leurs réservations.

«Notre centrale de réservations signale de requêtes. Néanmoins, nous avons suspendu jusqu'au 6 mai les frais de changement de réservations pour le Mexique», a expliqué Isabelle Arthur, porte-parole d'Air Canada

À son horaire de vols réguliers, le transporteur a neuf allers-retours par semaine entre Mexico et Toronto, et cinq avec Montréal.

Ces liaisons faites par Airbus 319 ont une capacité totale d'environ 3350 passagers par semaine.

Et depuis hier, ces passagers à l'aller et au retour obtiennent à bord un avis médical spécial à propos de la grippe porcine, à la demande de Santé Canada.

Chez Transat AT, le Mexique représente environ 30% du marché des destinations du Sud, hiver comme été, indiquait-on hier au siège social montréalais.

Mais les vols d'Air Transat ne desservent que des aéroports de villégiatures côtières comme Cancún et Puerto Vallarta, encore épargnés par la crise sanitaire à Mexico.

N'empêche, Transat AT a décidé de permettre d'ici le 11 mai à ses clients de retarder leurs forfaits pour le Mexique. Ou encore, de le remplacer par un tarif semblable vers une autre destination, réalisable d'ici le 31 octobre.

Comme en 2003

Pour la suite, l'impact de la grippe porcine sur les transporteurs aériens demeure tributaire des conditions édictées par les autorités sanitaires.

Car si devait empirer, cette contagion pourrait s'avérer très coûteuse pour les transporteurs nord-américains. Peut-être autant que la crise du syndrome respiratoire SRAS il y a six ans, avertit même Jacques Kavafian, analyste en transports chez Research Capital, à Toronto,

«L'impact pourrait être aussi grave qu'en 2003 pour Air Canada, par exemple, si des pays d'outre-mer, en Asie et en Europe, décidaient d'imposer des restrictions envers les voyageurs originaires d'Amérique du Nord, a expliqué M. Kavafian.

«C'est pourquoi les transporteurs canadiens devraient suspendre temporairement leurs vols avec le Mexique pour éviter d'affecter d'autres marchés qui leur seront beaucoup plus importants au cours des prochains mois.»

En 2003, la contagion du syndrome respiratoire SRAS, d'origine asiatique cette fois, avait dégénéré en crise sanitaire à Toronto et à Vancouver, deux villes d'entrée en Amérique du Nord pour les voyageurs d'Asie.

Le transporteur Air Canada, qui était précaire financièrement, avait subi un brusque ressac de ses affaires qui l'avait forcé à réduire davantage son horaire de vols et ses effectifs.

Ses liaisons asiatiques furent les premières affectées. Mais aussi celles vers les États-Unis et l'Europe, où les autorités ont craint la propagation du SRAS par les voyageurs ayant transité par le Canada.

 

2%

Selon la Banque mondiale, une pandémie «modérée» affecterait d'environ 2% le produit intérieur brut mondial, tandis qu'une «grave» pandémie amputerait l'économie mondiale de près de 5%, ou plus de 3000 milliards de dollars.

20 milliards US

Apparue en Chine fin 2002 avant de se propager dans le reste de la région en 2003, l'épidémie de pneumonie atypique (SRAS) aurait coûté 20 milliards de dollars aux pays d'Asie en ce qui concerne le PIB, selon l'Organisation mondiale de la santé.

90 milliards US

En 2001, la Grande-Bretagne a fait face à une épizootie de fièvre aphteuse qui a coûté quelque 90 milliards US, dont 49 milliards US «d'incidence négative « sur les secteurs du tourisme et des loisirs, selon la Banque mondiale de 2006.

Agence France-Presse