Yvon Charest, PDG d'Industrielle Alliance, leader québécois de l'assurance de personnes, joint sa voix à celles des opposants aux généreux crédits d'impôt accordés par le gouvernement aux sociétés, souvent étrangères, des jeux vidéo et des technologies de l'information.

« Je suis de ceux qui pensent que c'était une bonne mesure il y a 25 ans. Aujourd'hui, il faut se questionner », dit-il dans une entrevue avec La Presse réalisée au siège social à Québec. Il souhaiterait que le crédit d'impôt s'éteigne progressivement selon un horizon déterminé.

La raison? Industrielle Alliance (IA) dit subir les contrecoups de ces subventions, auxquelles elle n'a pas droit.

Comme tout le secteur de la finance, l'assureur n'a d'autre choix que de négocier le virage numérique pour hausser sa production et rester pertinent aux yeux de la jeune génération, soutient son président.

Fait méconnu, près d'un employé sur cinq chez Industrielle Alliance travaille maintenant dans les TI. « Il y a une certitude. Ce pourcentage va continuer à augmenter », dit le PDG. En comparaison, les actuaires, poste traditionnellement associé aux assureurs, forment 2 % de l'effectif.

Bon an, mal an, IA doit embaucher 500 personnes par année, toutes catégories d'emplois confondues. La société compte plus de 6000 employés au Canada et aux États-Unis.

« Il y a une incohérence entre le fait qu'une société québécoise, comme Industrielle Alliance, doive recruter à l'étranger des ressources en TI et que, par ailleurs, les Québécois qui travaillent en TI, s'ils vont travailler pour certaines sociétés étrangères, reçoivent un boni du gouvernement. J'ai un peu de misère avec ça. » - Yvon Charest, PDG d'Industrielle Alliance

En prenant publiquement position, M. Charest se joint à un groupe mené par Eric Boyko, de Stingray, Jean Laflamme, de Meubles South Shore, et Louis Têtu, de Coveo. Incidemment, M. Têtu siège au conseil d'administration de l'assureur-vie.

Ceux-ci font valoir que les subventions aux entreprises étrangères créent de la richesse à l'étranger tout en privant les sociétés québécoises du talent (ingénieurs informatiques, programmeurs, etc.) dont elles ont besoin pour prospérer et augmenter leur compétitivité.

Une étude récente du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) indique qu'il n'est pas évident que le crédit d'impôt pour la production de titres multimédias représente toujours une bonne politique industrielle pour la province.

Québec verse des crédits d'impôt remboursables aux entreprises de nouvelle économie. Dans le cas des crédits pour la production de titres multimédias, l'aide correspond à 37,5 % des salaires d'employés admissibles. Ce crédit a été instauré en 1996 pour favoriser l'émergence et le développement de l'industrie du jeu vidéo au Québec.

D'IMPORTANTES RETOMBÉES

D'anciens ministres des Finances, de même que le PDG de Montréal International, ont défendu publiquement l'aide fiscale accordée à la nouvelle économie (affaires électroniques, services informatiques, jeux vidéo). Ils font valoir que la concurrence d'autres provinces et États ne laisse guère le choix à Québec de maintenir le soutien si la province ne veut pas perdre des emplois. L'aide se traduit aussi par d'importantes retombées économiques et fiscales, soutiennent-ils.

Le secteur des TI constitue l'un des plus importants moteurs de création d'emplois au Québec, avec une progression annuelle moyenne de 4,2 % depuis cinq ans.

Dans le cadre de la commission Godbout sur la fiscalité québécoise, trois études distinctes avaient respectivement évalué à 1, à 7 et à 41 % la rentabilité du crédit pour la production de titres multimédias. La Commission avait recommandé que son taux maximal, qui venait d'être réduit à 30 %, soit ramené à 35 %. Le gouvernement l'a finalement rétabli au niveau d'avant les coupes, soit 37,5 %.

- Avec Richard Dufour et Jean-François Codère