Le dossier des stratagèmes fiscaux mis en place par KPMG a continué de faire des vagues mardi à Ottawa, alors que le Conseil canadien de la magistrature a lancé un examen sur de possibles «inconduites» de la part de trois juges.

Normand Sabourin, directeur général du Conseil, a affirmé à Radio-Canada qu'un examen formel sera lancé à l'endroit du juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt, Eugene Rossiter, et du juge Denis Pelletier, de la Cour d'appel fédérale. Le magistrat Randall Bocock, de la Cour canadienne de l'impôt, sera aussi visé par une enquête.

L'émission Enquête a révélé la semaine dernière que les juges Bocock et Pelletier ont participé à des soirées payées par KPMG et le cabinet d'avocats Dentons, pendant un congrès en Espagne. Ces deux firmes avaient alors des causes pendantes dans des dossiers de fraude fiscale. 

Le juge en chef avait plus tard cautionné - et même encouragé - la participation à de tels évènements festifs, malgré les apparences de conflits d'intérêts.

Pressée de question à la sortie d'une rencontre du cabinet, mardi après-midi, la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, a commenté brièvement cette enquête. «Il y a des codes d'éthique qui existent, et les instances qui sont concernées vont devoir travailler à tenir compte des codes d'éthique qui sont en place.»

Dossier chaud

La ministre Lebouthillier est sur la sellette depuis plusieurs jours, alors que l'émission Enquête a mis au jour une liste de Canadiens fortunés qui ont économisé des millions en impôts grâce à un stratagème mis en place par KPMG. Ceux-ci auraient ensuite bénéficié d'une forme d'amnistie auprès de l'Agence du revenu du Canada (ARC), lorsque ce système d'évasion fiscale a été mis au jour.

Mme Lebouthillier a continué à marteler mardi qu'aucun passe-droit n'avait été offert à ces millionnaires. Elle a affirmé que personne n'avait été épargné par les «pénalités» et les amendes», sans toutefois pouvoir les quantifier dans le dossier de KPMG. 

«Chaque dossier est traité de façon particulière et l'agence va continuer de travailler dans ce sens-là», a-t-elle lancé.

La ministre affirme que l'ARC poursuivra sans relâche les fraudeurs, et que le réinvestissement de plus de 400 millions dans la lutte antifraude l'an dernier par Ottawa lui donnera plus de pouvoir en ce sens. «On ne lâchera pas le morceau et on va tous les avoir», a-t-elle affirmé.

Comptes demandés

L'opposition à Ottawa continue malgré tout de demander des comptes - et des engagements plus fermes - au gouvernement de Justin Trudeau. Le dossier KPMG promet d'alimenter plusieurs échanges à la période des questions mardi après-midi à la Chambre des communes.

Plus tôt en journée, des députés bloquistes, accompagnés de la candidate à la direction Martine Ouellet, ont dénoncé l'impact de l'évasion fiscale, qui s'élèverait à plus de 1 milliard par année seulement au Québec.

«Il s'agit là d'un problème inacceptable, a lancé le député Xavier Barsalou-Duval. Ce sont des sommes gigantesques qui sont volées chaque année et tout ce que le gouvernement Trudeau trouve à faire dans le dossier, c'est de récompenser les contrevenants.»

Sans commenter sur les développements des derniers jours, la porte-parole de KPMG au Canada, Tenille Kennedy, a dirigé La Presse vers des déclarations formulées au printemps 2016 par les dirigeants du groupe. 

En gros, l'entreprise soutient que le stratagème fiscal de l'Île de Man, lancé en 1999 et mis au jour par Enquête, n'a pas été utilisé depuis près de 10 ans et respectait toutes les lois sur l'impôt.