La banque américaine Wells Fargo a annoncé mercredi le départ immédiat de son PDG John Stumpf après le scandale des comptes factices ouverts au nom de clients à leur insu qui éclabousse l'établissement depuis septembre.

M. Stumpf, 63 ans, qui officiellement part à la retraite, sera remplacé par Timothy Sloan, son numéro deux, a indiqué l'institution financière californienne qui octroie un crédit immobilier sur cinq aux États-Unis et se situe au quatrième rang des banques du pays.

«J'ai estimé que c'était mieux pour l'entreprise que je démissionne», a déclaré laconiquement le dirigeant, qui ne percevra pas de parachute doré, selon une porte-parole de la banque.

À Wall Street, le titre Wells Fargo, qui avait perdu près de 17% depuis le début de l'année, gagnait 1,96% à 46,21 dollars vers 18 h 15 dans les échanges électroniques suivant la clôture de la séance. Les investisseurs semblaient espérer que le départ de M. Stumpf soit l'épilogue de cette affaire qui a relancé le débat sur l'intégrité de Wall Street.

De 2011 à 2016, les conseillers en clientèle de Wells Fargo ont ouvert deux millions de comptes fictifs au nom de leurs clients et en leur facturant les services afin d'atteindre leurs objectifs commerciaux pour toucher des bonus.

Environ 5300 salariés ont été licenciés pour avoir pris part à ces malversations, qui ont été mises au jour début septembre.

Il était reproché à John Stumpf, entré chez Wells Fargo en 1982 et devenu PDG en 2007, d'avoir laissé perdurer ces pratiques alors qu'il avait été mis au courant dès 2013.

La banque, dont le premier actionnaire est le milliardaire Warren Buffett, a écopé d'une amende de 185 millions de dollars US pour clore des poursuites de l'agence de protection des consommateurs CFPB, mais continue de faire l'objet d'enquêtes des départements de la Justice et du Travail. Ce dernier a été saisi par d'ex-employés affirmant avoir été licenciés parce qu'ils avaient refusé d'ouvrir des comptes fictifs.m

Pression politique

Pendant des semaines, Wells Fargo, qui abrite 40 millions de comptes bancaires ouverts par les particuliers aux États-Unis, a repoussé l'idée d'un départ de M. Stumpf, en dépit d'une forte pression politique en cette année électorale.

Des parlementaires américains, dont la démocrate Elizabeth Warren, qui dénonce régulièrement les abus de Wall Street, ont multiplié les appels à la démission de M. Stumpf au cours d'auditions ultra médiatisées au Congrès.

«M. Stumpf, cette affaire ressemble une fois de plus pour les Américains à du «déjà-vu»: une institution financière commet des malversations. Cela fait la une des journaux, mais personne n'est tenu responsable», l'avait apostrophé Jeb Hensarling, un élu républicain.

Wells Fargo a initialement résisté en présentant des excuses publiques puis annoncé la suppression des objectifs pour les commerciaux. John Stumpf a aussi renoncé à 41 millions de dollars US de rémunération en option d'achat d'actions.

La banque est même allée jusqu'à réorganiser son équipe dirigeante en retirant des pouvoirs à M. Stumpf au profit de son numéro deux.

Mais cela n'a pas suffi à apaiser la colère de l'opinion publique et les doutes à Wall Street, d'autant que les États de Californie et de l'Illinois ont suspendu leurs liens avec la banque, créée il y a 164 ans pour accompagner la conquête de l'ouest et dont l'emblème est une diligence tirée par des chevaux au galop.

L'analyste Mike Mayo faisait valoir que cette affaire était devenue une distraction, qui empêchait de se focaliser sur la performance de la banque, une des rares à avoir été épargnée par la crise financière de 2008.

Le scandale a surtout mis en lumière les pratiques commerciales jugées douteuses de Wells Fargo, notamment la vente croisée qui veut que si un client dispose d'un compte courant, il faut lui faire ouvrir un compte épargne, un crédit immobilier, un crédit automobile, une assurance, des produits d'investissements, etc.

Les banquiers tentaient également de vendre des cartes de crédit dont les intérêts flambaient en cas de non-respect des échéances de remboursement.

Face à la résistance de clients, Wells Fargo a institué une culture de la performance agressive avec des objectifs commerciaux difficilement atteignables, selon les témoignages de ses salariés, aboutissant à l'affaire des comptes fictifs.