De plus en plus partenaires des banques, les nouvelles entreprises de technologies financières, également appelées «fintech», sont moins populaires auprès des grands assureurs, estime le président et chef de la direction de l'Industrielle Alliance (IAG.TO), Yvon Charest, qui souhaite voir cette tendance s'inverser.

C'est l'une des raisons pour lesquelles il a accepté la présidence du quatrième Forum Fintech, organisé par Finance Montréal. L'événement qui s'amorce mardi regroupe à la fois des joueurs traditionnels comme les institutions financières et assureurs ainsi que de nouvelles entreprises.

«Auparavant, les compagnies se développaient soit par la croissance interne ou par les acquisitions, analyse M. Charest. Entre les deux, il y a toutefois des partenaires, mais cela n'a pas été naturel dans l'industrie. Ce rendez-vous nous donne l'occasion de rencontrer d'éventuels partenaires.»

Les fintech ratissent large, en offrant par exemple des solutions de paiement mobiles, des conseils d'investissement en ligne, des plateformes de prêts ainsi que des applications et autres outils permettant aux assureurs - comme l'Industrielle Alliance - d'analyser les données de santé de leurs clients.

Sans éliminer les représentants effectuant le lien entre les institutions et les clients, M. Charest s'attend à ce que d'éventuels partenariats avec des fintech viennent changer le modèle en place en offrant une plus grande flexibilité aux clients.

«Pour certaines transactions, le consommateur et l'entreprise seront dorénavant directement en contact», croit le dirigeant de l'assureur établi à Québec.

Par l'entremise de son chantier finance et technologie, Finance Montréal travaille activement à faire en sorte que la métropole - qui compte une cinquantaine de fintech - puisse se démarquer. L'organisme estime que Montréal tire son épingle du jeu dans l'analyse de données massives ainsi que du côté de l'intelligence artificielle.

En plus de l'appui d'institutions financières bien établies, les fintech peuvent de plus en plus compter sur des fonds spécialisés, comme Ferst Capital Partners et M2S Capital, afin d'avoir accès à des capitaux pour financer leur croissance. Certains grands joueurs, comme le Mouvement Desjardins, ont mis sur pied leur propre laboratoire afin de tester de nouvelles applications ou technologies.

Thinking Capital, qui a vu le jour en 2006 et qui a permis à plus de 10 000 entreprises d'avoir accès à du financement, est partenaire notamment de la Banque CIBC [[|ticker sym='CM.TO'|]] depuis 2015, ce qui, selon le chef de la direction de la société montréalaise, Jeff Mitelman, prouve que l'attitude des joueurs traditionnels change.

«Depuis deux ans, l'accent est moins mis sur la concurrence, explique-t-il. Les tensions sont moins vives. De part et d'autre, il y a des avantages grâce à la collaboration.»

Établie à Laval, Croesus offre depuis 1987 des solutions de gestion à des institutions financières - dont trois des six principales banques canadiennes.

«Nous pouvons être une solution pour les banques afin qu'elles puissent concurrencer leurs nouvelles rivales qui se lancent dans les services financiers», explique le président et fondateur de Croesus, Rémy Therrien.

Celui-ci ne croit pas que les investissements en recherche et développement effectués par des institutions comme Desjardins puissent nuire aux fintech. Pour l'instant, croit M. Therrien, l'important est que la communauté travaille «ensemble» afin qu'elle puisse progresser plus rapidement.

Un modèle qui bouscule

Malgré les partenariats, les fintech préoccupent de nombreux joueurs traditionnels du secteur financier, qui plaident pour un encadrement plus strict.

Au Canada, le Bureau de la concurrence a tenu une consultation à l'égard de ces entreprises de technologies financières, alors qu'au Québec, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a mis sur pied un groupe de travail afin d'analyser les innovations technologiques et anticiper les enjeux de réglementation pour les consommateurs.

Sans exhorter les autorités à immédiatement déployer un cadre réglementaire pour les fintech, M. Charest se dit conscient que l'encadrement ainsi que la conformité figurent parmi les enjeux importants.

«Les coûts de supervision sont importants (pour les joueurs traditionnels), dit-il. À l'Industrielle Alliance, sur environ 5000 employés, il y en a 100 affectés de façon permanente à la conformité. Il faut s'assurer que le système soit équitable pour tous.»

Selon un sondage mené par PricewaterhouseCoopers auprès de 544 dirigeants d'institutions financières et d'entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies réparties dans cinq régions du globe, 95 pour cent des banques estiment que leurs activités pourraient être en partie menacées d'ici 2020.

Un élargissement de la réglementation est inévitable, selon M. Mitelman, qui espère que les fintech seront également consultées par les autorités.

«Autrement, les lois pourraient freiner l'innovation», prévient-il.