Les frais bancaires ne représentent généralement que quelques dollars, mais ils ont le don de faire râler les consommateurs. Surtout quand ils augmentent et se multiplient, comme c'est arrivé ces dernières semaines. Mais changer d'institution financière est tellement laborieux qu'il faut être très décidé, ou en avoir vraiment ras le bol, pour passer à l'acte.

PAYER PLUS CHER POUR VOTRE PROPRE ARGENT

Personne n'aime payer des frais bancaires, mais ils sont encore plus honnis depuis que la plupart des banques les ont augmentés, ces dernières semaines.

Hausses de prix des forfaits de transactions, hausse de l'âge minimal permettant de bénéficier de rabais, exclusion de certaines opérations des forfaits, hausse des soldes à maintenir pour éviter les frais... Les institutions financières semblent chercher tous les moyens possibles de faire plus d'argent.

«Les frais se multiplient. Mais ce qui est dommage, c'est que bien des gens ne savent pas combien ils paient en frais bancaires», souligne Karine Robillard, conseillère budgétaire à Option consommateurs.

Selon un sondage Angus Reid paru en 2011, le Canadien moyen paie 185$ par année en frais bancaires, soit 15,41$ par mois, ou 30,81$ par couple.

DES FRAIS, ENCORE DES FRAIS

Dans certains cas, la facture peut être beaucoup plus salée. Suffit qu'on utilise sa carte de débit au guichet d'une autre institution financière (jusqu'à 8  $ par retrait), ou à l'étranger (jusqu'à 20 $), ou qu'on ait un chèque sans provision (jusqu'à 65 $ avec la Banque Laurentienne) pour déséquilibrer le budget familial.

Si on ajoute une commande de chèques (environ 1 $ par chèque), la nécessité de faire un chèque certifié (10 $ ou 15 $) ou l'envoi d'un relevé par la poste (2 $) la facture grimpe encore.

Et on ne parle même pas ici des cartes de crédit : frais annuels pour une carte avec récompenses (souvent 150 $ par année), intérêts sur un solde impayé (20 à 22 %), frais pour dépassement de la limite (20 à 30 $), frais sur avances de fonds (jusqu'à 7,50 $), etc.

Pas surprenant que les consommateurs en aient ras le bol. Et ils commencent à le faire savoir de plus en plus clairement aux banques.

«PAYER POUR PAYER»

En mai dernier, la Banque Royale a dû reculer sur une hausse de tarif annoncée, après avoir essuyé de nombreuses critiques.

Il faut dire que la mesure en question, qui faisait partie d'une série d'augmentations, était particulièrement douteuse : les clients désirant rembourser leur hypothèque ou d'autres prêts à partir de leur compte d'épargne allaient devoir payer des frais de 2 à 5 $, après avoir dépassé le nombre d'opérations permises à leur forfait.

Le NPD a d'ailleurs déposé une motion à la Chambre des communes pour demander aux banques de cesser cette pratique qu'il appelle « faire payer pour payer », soit des frais pour faire des versements hypothécaires ou l'envoi d'un relevé de compte par la poste, par exemple. En juin, la motion a obtenu l'appui du gouvernement, et le leader conservateur à la Chambre des communes, Peter Van Loan, a affirmé « comprendre les préoccupations des Canadiens, qui sentent qu'ils n'en ont pas pour leur argent avec les frais bancaires ».

Le NPD demande aussi que les frais pour des transactions aux guichets automatiques soient limités à 0,50 $ par transaction.

Option consommateurs, de son côté, demande depuis longtemps un plafond à l'ensemble des frais bancaires. « Des frais pour provisions insuffisantes qui peuvent atteindre 65 $, c'est tout à fait injustifié, souligne Karine Robillard. Ça ne devrait pas être plus que 15 $, ou 5 % du montant qui manque, et aucun frais pour un découvert de moins de 100 $. »

PROFITS RECORDS

Si ces frais sont tellement décriés, c'est qu'ils donnent aux consommateurs l'impression de payer pour avoir accès à leur propre argent. Et que les profits des banques sont faramineux.

En mai dernier, les six grandes banques canadiennes ont déclaré des profits records cumulés de 8,5 milliards pour leur dernier trimestre. C'est l'équivalent de plus de 93 millions en profits nets chaque jour !

L'an dernier, le bénéfice cumulé des six banques avait déjà battu un record : 33,3 milliards, en hausse de 8,5 %. Cette marque pourrait être dépassée cette année.

« Les banques canadiennes sont en situation de quasi-monopole et elles peuvent nous passer n'importe quoi. »

Le MEDAC dénonce notamment les salaires trop élevés des grands banquiers et tente de leur imposer une limite, lors d'interventions dans les assemblées d'actionnaires des grandes banques.

Dans son budget 2013, le gouvernement de Stephen Harper avait promis un Code de protection du consommateur en matière financière, qui se pencherait notamment sur les frais bancaires. Ce code n'est toujours pas en place.

« Le lobby des banques est l'un des plus puissants au Canada, ce qui explique peut-être le laxisme du gouvernement à ce sujet, souligne Annick Papillon. Par exemple, on a interdit aux entreprises de télécommunication de charger des frais pour l'envoi de factures par la poste, mais on permet aux banques de le faire. »

«Les banques canadiennes sont en situation de quasi-monopole et elles peuvent nous passer n'importe quoi.»

Le MEDAC dénonce notamment les salaires trop élevés des grands banquiers et tente de leur imposer une limite, lors d'interventions dans les assemblées d'actionnaires des grandes banques.

Dans son budget 2013, le gouvernement de Stephen Harper avait promis un Code de protection du consommateur en matière financière, qui se pencherait notamment sur les frais bancaires. Ce code n'est toujours pas en place.

«Le lobby des banques est l'un des plus puissants au Canada, ce qui explique peut-être le laxisme du gouvernement à ce sujet, souligne Annick Papillon. Par exemple, on a interdit aux entreprises de télécommunication de charger des frais pour l'envoi de factures par la poste, mais on permet aux banques de le faire.»

LES EFFETS DE LA CONCENTRATION

Les frais bancaires mensuels ont augmenté de 13,6 % entre 2005 et 2013, sous le rythme de l'inflation.

Mais les frais variables, qui ne sont pas inclus dans les forfaits mensuels, ont augmenté de 46 % au cours de la même période.

«Vu que le secteur bancaire du Canada est perçu comme faisant l'objet d'une forte concentration, des préoccupations ont été soulevées quant à la possibilité que les consommateurs subissent les effets néfastes de prix qui ne sont pas optimaux.»

Source : Association de la consommation en matière financière du Canada, rapport Les frais bancaires au Canada, 2014

EN VRAC 

27 % des Canadiens ne paient aucuns frais de service.

48 % paient entre 1 et 15 $ par mois.

Les clients utilisent les guichets automatiques de leur propre banque pour 75 % des retraits, ne payant ainsi aucuns frais de commodité.

Source : Association des banquiers canadiens

D'AUGMENTATION EN AUGMENTATION

Deux dollars par ici, cinq dollars par là... Voici quelques exemples de frais bancaires qui ont d'augmenté dans les derniers mois.

BANQUE ROYALE

- Chèques certifiés : 20 $ au lieu de 15 $

- Rabais pour aînés (25 % ou 4 $) offerts à partir de 65 ans plutôt que 60 ans.

- Protection contre les découverts : coûtait auparavant 4 $, ou 22 % du montant manquant (le plus grand des deux). Maintenant : 4 $ PLUS 22 % du montant en découvert.

BANQUE NATIONALE

- Forfaits à frais fixes en hausse de 2 $

- Le livret de banque n'est plus offert aux nouveaux clients. Ceux qui l'ont déjà doivent payer 2,50 $ par mois plutôt que 2,25 $.

- Relevé envoyé par la poste : 2,50 $ plutôt que 2 $

- Transfert d'un certificat de placement vers une autre institution financière : 100 $ plutôt que 50 $.

BMO

- Hausse de 1 $ de la plupart des forfaits mensuels.

- Hausse du solde à maintenir pour éviter les frais mensuels.

- Programme Pratique, à 4 $, permettant jusqu'à 12 transactions mensuelles à partir de multiples comptes, ne couvre plus que 2 comptes plutôt que 20.

BANQUE TD

- Frais pour insuffisance de fonds : 48 $ au lieu de 45 $.

- Hausse de 500 $ du solde minimal à maintenir pour éviter les frais mensuels.

- Frais pour chaque transaction au-delà du forfait : 1,25 $ au lieu de 1 $.

BANQUE SCOTIA

- Coffrets de sûreté : 10 à 100 $ de plus, selon la taille du coffret.

- Traitement d'un dépôt postdaté : 5 $ au lieu de 2 $

DESJARDINS

- Frais mensuels pour un compte à livret : 2,25 $ plutôt que 2 $

- Chèque sans provision : 45 $ plutôt que 42 $

- Chèque visé : 15 $ plutôt que 10 $

- Traite ou mandat : 7,50 $ plutôt que 6,50 $

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Selon un sondage Angus Reid paru en 2011, le Canadien moyen paie 185$ par année en frais bancaires. 

COMBATTEZ LES FRAIS

Indisposé par les frais qui se multiplient dans vos comptes bancaires ? Voici quelques trucs pour les faire fondre.

1. OPÉRATIONS À PRIX MODIQUE

À la demande d'Ottawa, les banques offrent maintenant des services peu coûteux.

Le forfait le moins cher est chez Desjardins : 2,95 $ par mois pour 7 transactions. Dans les banques : 3,95 $ pour 12 transactions. Les plus actifs doivent payer de 7 à 10 $ pour des forfaits d'une vingtaine d'opérations. Pour le service VIP, la facture mensuelle peut atteindre 30 $.

Des services gratuits existent pour les 18 ans et moins, les étudiants et les personnes âgées à faible revenu. Les personnes âgées ou les clients utilisant plusieurs produits et services de la même banque peuvent aussi obtenir des rabais.

L'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) offre sur son site web un outil très utile pour comparer les comptes.

2. COMPTE GARNI, SERVICES GRATUITS

Plusieurs forfaits bancaires prévoient l'élimination des frais mensuels quand on conserve dans son compte un certain montant, qui peut varier entre 1000 et 5000 $ - les sommes ont augmenté ces derniers temps.

Vous avez un coussin financier dans un compte d'épargne en cas d'imprévu ? « Une somme de 3000 $ qui ne rapporte que 0,8 % d'intérêt pourrait être transférée dans votre compte avec opérations, pour économiser 13,95 $ en frais mensuels. Il faut faire le calcul », note Mme Robillard.

Non recommandé aux consommateurs indisciplinés, qui seront tentés de dépenser cet argent s'il est accessible dans leur compte courant.

3. FIDÈLE À SA MARQUE

Faites vos retraits seulement au guichet automatique de votre institution financière, pour éviter des frais variant entre 1 et 8 $. Fuyez les guichets privés, très gourmands, qui ne sont affiliés à aucune institution financière. À réserver aux urgences seulement.

Pensez d'ailleurs à retirer une somme quand vous faites un paiement par carte de débit dans un commerce. Vous éviterez ainsi une visite au guichet automatique et les frais qui vont avec.

Par contre, rien ne vous oblige à concentrer tous vos services au même endroit. Si c'est plus économique, vous pouvez avoir votre hypothèque avec une institution, votre compte chèque et votre carte de crédit ailleurs.

4. AVANTAGES EN LIGNE

Des banques virtuelles, sans succursales, misent sur des services moins chers et des taux d'intérêt un peu plus généreux sur l'épargne pour attirer les clients.

Tangerine (anciennement ING), propriété de la Banque Scotia, propose par exemple un compte chèque sans frais, avec transactions illimitées, sans solde minimum.

Manuvie, plus connue pour ses produits d'assurance-vie, offre aussi des services bancaires virtuels. Elle verse des intérêts de 1,25 % sur les dépôts, mais les opérations comportent des frais. L'institution a récemment annoncé l'implantation de 800 guichets automatiques au Canada, liés au réseau Exchange. Au Québec, ils seront installés dans les dépanneurs Couche-Tard.

Moins de choix au Québec

Ailleurs au Canada, les consommateurs ont accès à plus de banques virtuelles, notamment Canadian Direct, President's Choice Financial, propriété de Loblaw et de la CIBC, et Zag Bank, qui appartient à Desjardins. Ces banques n'offrent pas leurs services au Québec.

En 2011, Desjardins a fait l'acquisition de Bank West, installée dans l'ouest du pays, et l'a rebaptisée Zag l'année dernière. Elle mène actuellement une offensive pour recruter des clients sur le terrain de Tangerine, avec des comptes sans frais et des taux d'intérêt plus élevés sur les épargnes (2,5 % en ce moment, pour un temps limité).

Desjardins n'a pas l'intention d'offrir les services de sa Zag Bank au Québec. Selon le porte-parole de la coopérative, André Chapleau, les consommateurs québécois ont déjà accès à des services semblables chez Desjardins.

PHOTO FOURNIE PAR THINKSTOCK

Afin d'éviter des frais de 1 et 8$, il faut faire vos retraits seulement au guichet automatique de votre institution financière. 

COMMENT DÉMÉNAGER SON ARGENT

Changer de banque demande presque autant de travail que déménager. D'ailleurs, peu de consommateurs le font, et c'est peut-être ce qui permet aux institutions financières de gonfler leurs frais sans craindre un exode de leurs clients.

Il y a quelques mois, Atsu Komlan en a eu assez de la cupidité de sa banque et a décidé de partir avec son pécule.

«Après plus de 12 ans avec une grande banque, je suis passé à une banque virtuelle, explique le fonctionnaire fédéral de Gatineau. J'ai fermé tous mes comptes, sauf mon hypothèque et ma carte de crédit. La dernière hausse de frais a été la goutte qui a fait déborder le vase. J'ai trouvé ça malhonnête.»

Le jeune père de famille ne payait auparavant aucuns frais de service. Mais avec les changements aux forfaits, il se retrouvait avec une facture de 10,95$ par mois.

«Je me suis demandé pourquoi je devais payer pour me faire garder mon argent, dit-il. Il m'a fallu un mois et demi pour tout déménager. Il faut s'y prendre tôt pour coordonner les prélèvements automatiques et les dépôts directs. Et ne comptez pas sur votre banque pour vous faciliter la vie. Vous devez être organisé, autrement, bonjour les problèmes!»

Avant de passer à l'acte, voici quelques informations utiles : 

• Certaines institutions financières peuvent vous aider à déménager les prélèvements automatiques vers votre nouveau compte.

• En plus du dépôt direct de votre paye, pensez à changer vos informations bancaires auprès des gouvernements pour recevoir vos crédits et remboursements d'impôt.

• Gardez votre ancien compte pour quelques mois pour pallier les oublis - certains prélèvements ne sont pas nécessairement mensuels.

• Vous pourriez avoir à payer pour fermer vos comptes, entre 15 et 20 $. Mais si vous les laissez ouverts, vous pourriez recevoir une facture pour comptes inactifs.

• Le transfert de vos investissements peut aussi entraîner des frais, par exemple jusqu'à 100 $ pour un certificat de placement. Dans certains cas, il faut attendre leur échéance pour les vendre avant d'en racheter auprès d'une autre institution.

• Si votre prêt hypothécaire n'est pas encore échu, vous devrez payer des pénalités pour le transférer. Votre nouvelle banque pourrait rembourser une partie de ces frais. Sinon, attendez son échéance.

PHOTO FOURNIE PAR THINKSTOCK

Quand on change de banque, il faut penser à en aviser notre employeur, en plus des gouvernements.