De l'avis d'analystes, les 4 milliards de dollars que la société Manuvie a convenu de payer au comptant au groupe écossais Standard Life plc pour acheter ses filiales canadiennes, qui sont basées à Montréal, est plutôt élevé par rapport à la moyenne de transactions antérieures et comparables.

Mais du point de vue du président de Standard Life au Canada, le financier québécois Charles Guay, un tel montant reflète l'appétit des grandes sociétés d'assurances de personnes comme Manuvie pour les actifs de croissance dans des marchés connexes comme celui des produits de rente et de placements gérés pour les particuliers.

«Il ne reste plus beaucoup d'entreprises de la taille et de la réputation de Standard Life sur le marché canadien qui soient disponibles pour une acquisition de croissance», a indiqué Charles Guay au cours d'un entretien avec La Presse Affaires jeudi, après ses rencontres avec des centaines d'employés de Standard Life à Montréal.

«Pour Manuvie, une entreprise d'envergure internationale, nous étions une opportunité unique pour l'aider à accélérer sa croissance sur le marché canadien, et au Québec en particulier où elle est encore peu présente.»

Selon les estimations d'analystes, Manuvie a convenu de payer l'équivalent de 19,5 fois le bénéfice par action des filiales canadiennes de Standard Life, ce qui correspond à une prime de 50% environ sur le multiple de valeur boursière attribué aux sociétés canadiennes comparables.

«Même chère, à 4 milliards, cette acquisition a du sens au point de vue stratégique pour Manuvie sur le marché canadien, et au Québec en particulier», a commenté Vincent Lui, analyste des grands assureurs-vie chez Morningstar.

Satisfaction à Londres

À la Bourse de Londres, jeudi, les investisseurs ont d'ailleurs manifesté leur satisfaction d'un tel prix obtenu pour les filiales canadiennes en poussant la valeur des actions de la société mère Standard Life plc en forte hausse de plus de 11%, à un niveau record.

À la Bourse de Toronto, pendant ce temps, la réaction des investisseurs a été beaucoup plus réservée; les actions de la Financière Manuvie ont reculé de 1%, en attente d'informations plus concrètes sur les apports de cette acquisition aux prochains résultats.

La clôture de la transaction est prévue durant le premier trimestre de 2015, après l'obtention des autorisations réglementaires. Suivra une «phase d'intégration de 18 à 24 mois» entre les fonctions de direction et de gestion de Standard Life au Canada, qui sont largement concentrées à Montréal, et celles de Manuvie, basées surtout à Toronto.

Pour le moment, les dirigeants de Manuvie ont fait part d'un potentiel «d'économies de synergie» de l'ordre de 100 millions par an entre les deux organisations.

Réduction d'effectifs

Une part de ces économies est déjà prévue en réduction d'effectifs chez les filiales canadiennes de Standard Life, au cours de leur intégration chez Manuvie. Et elles risquent de se produire surtout à Montréal, où le siège social canadien de Standard Life regroupe 1700 de ses 2000 employés en tout au Canada.

Questionné jeudi à ce sujet, Charles Guay a confirmé qu'un «certain nombre d'emplois sera diminué» d'ici deux ans. Mais cet impact s'annonce limité, notamment parce que Manuvie veut compter sur la présence déjà bien établie de Standard Life au Québec pour s'y faire une meilleure place. Aussi, selon M. Guay, Standard Life et Manuvie avaient déjà des partenariats de distribution de produits financiers et de placements au Canada et aux États-Unis qu'elles veulent continuer de faire fructifier.

D'ailleurs, il a déjà annoncé que l'une des filiales canadiennes de Standard Life basées à Montréal, Investissements Standard Life, ouvrira un bureau à Toronto afin de se rapprocher de l'importante clientèle d'investisseurs institutionnels qui s'y trouve.

Déménagement en suspens

En contrepartie, l'incertitude sur le nombre d'employés de Standard Life à Montréal à moyen terme, après l'intégration dans Manuvie, a provoqué la mise en suspens de son projet de relocalisation et de regroupement de ses effectifs dans un nouvel immeuble de bureaux de 28 étages au centre-ville, sur le boulevard de Maisonneuve, qui est projeté par la filiale immobilière Ivanhoé Cambridge de la Caisse de dépôt et placement.

Selon Charles Guay, «nous souhaitons encore regrouper tous nos employés à Montréal à une même adresse, dans des locaux réaménagés et modernisés. La direction de Manuvie partage les mêmes priorités que nous en matière de gestion d'affaires et d'environnement de travail. Mais nous préférons aussi garder nos possibilités ouvertes durant la période d'acquisition et d'intégration».