Le conseiller financier vedette Michel Marcoux est accusé de détournements de fonds par son ordre professionnel.

«À Montréal, vers le 20 avril 2010, l'intimé a détourné ou a permis que soit détourné un montant d'environ 1 000 000$ à partir de comptes «Dominion Investments» au profit d'autres comptes «Dominion Investments» détenus auprès d'Avantages Services financiers et dont il est ou était le représentant», lit-on dans la plainte disciplinaire déposée en septembre dernier devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF), chien de garde disciplinaire des représentants en épargne collective et des planificateurs financiers.

Le syndic a tenté d'obtenir la radiation provisoire de ce représentant en épargne collective, l'automne dernier, en raison de la gravité des fautes qui lui sont reprochées. Le comité de discipline en a décidé autrement, principalement parce que M. Marcoux ne touche plus aux sommes de ses clients, ayant cessé d'agir comme courtier en novembre 2010. Il est maintenant rattaché à un courtier de Sherbrooke, Mérici Services Financiers.

Le détournement de fonds de près de 1 million de dollars ne constitue que l'un des 19 chefs portés contre lui. M. Marcoux est aussi accusé d'avoir menti à ses clients ou à leurs procureurs. Un autre chef porte sur sa gestion discutable de son compte en fidéicommis, où il a laissé des soldes négatifs pendant plusieurs jours.

Les pièces justificatives appuyant la requête du syndic sont regroupées dans pas moins de six reliures à anneaux que nous avons consultées à la Chambre de la sécurité financière.

Dominion Investments

Les déboires de M. Marcoux ont commencé en 2004 et sont liés aux comptes de Dominion Investments ouverts sous différents pseudonymes chez Avantages Services financiers, cabinet de M. Marcoux.

Dominion Investments est un courtier des Bahamas, aujourd'hui en liquidation. Il appartenait à l'homme d'affaires québécois Martin Tremblay, qui a plaidé coupable d'avoir blanchi 20 000$. Il a écopé de quatre ans de prison en 2007.

En 2009, M. Marcoux a écopé d'amendes totalisant 15 000$ pour avoir menti aux enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers à propos de l'identité véritable des détenteurs de 25 comptes sous pseudonyme que détenait Dominion Investments chez lui. Le collaborateur à de nombreux médias financiers a été reconnu coupable des mêmes chefs d'accusation devant le comité de discipline de son ordre professionnel le 7 août 2012. Il en a appelé de la décision.

M. Marcoux continue néanmoins de nier publiquement qu'il connaît les détenteurs véritables des comptes offshore à pseudonyme. «Ces comptes-là ont été ouverts par Dominion. Les seules personnes qui peuvent donner des ordres d'achat et de vente, ce sont les officiers de Dominion», soutient-il au téléphone.

Pourtant, un tribunal des Bahamas a identifié les véritables propriétaires de 19 des 25 comptes à pseudonyme que détenait Dominion chez Avantages. Il s'agit de Québécois francophones comme Éric Lacouture, alias Gala, et Pierre Normandin, alias Snake.

«Si vous voulez mon avis sur cette cause-là, il s'agit d'un acharnement de la Chambre [à mon endroit]», nous dit Michel Marcoux.

Éric Lacouture et Pierre Normandin ne sont pas du même avis. Ils clament que M. Marcoux a détourné plusieurs centaines de milliers de dollars leur appartenant. Ils poursuivent chacun de leur côté leur ancien conseiller financier au civil. Ils ont aussi déposé des plaintes qui ont été transmises au syndic de la CSF, qui a amené ce dernier à déposer les 19 chefs d'accusation.

Dans sa requête présentée devant le comité de discipline, le syndic allègue que les comptes de Pierre Normandin sont passés d'un solde de 269 956$ à 0$ entre juillet 2009 et juillet 2011, sans que M. Normandin en ait touché un seul cent.

«J'ai en ma possession un ordre de la Cour des Bahamas disant que le compte Snake appartient à Clover, et la seule personne à donner des ordres est son président Éric St-Cyr. Clover ne fait pas de plainte», se défend M. Marcoux.

Courtier situé aux îles Caïmans, Clover a pris la relève de Dominion Investments quand celle-ci a été mise en liquidation.

Le syndic croit plutôt que l'argent de Normandin a servi à rembourser d'autres clients de Dominion. Ainsi, 120 000$ de cette somme ont servi à payer le client Éric Lacouture et 20 000$, à payer à Olivier Brossard, alias Insect.

De son côté, M. Lacouture réclame le paiement de 261 838$, soit le solde des fruits de la vente de ses fonds communs qui ne lui a jamais été versé. «Il faut qu'il s'adresse à Dominion Investments pour les avoir. Ce n'est pas moi qui détiens les comptes pour lui», rétorque M. Marcoux.

Quant à la gestion singulière de son compte en fidéicommis, M. Marcoux soutient que jamais ses vérificateurs ou ceux de l'AMF n'ont trouvé quoi que ce soit à redire sur la tenue de ce compte au cours des années.

La cause sera entendue sur le fond à partir du 16 juin 2014 par le comité de discipline de la CSF.

Un million en argent comptant

Il se manipulait des liasses de billets de banque dans le bureau du conseiller financier-vedette Michel Marcoux au milieu des années 2000, s'il faut en croire la syndique de son ordre professionnel qui a déposé des accusations contre lui pour détournements de fonds.

L'information est tirée de la requête déposée en septembre 2013 par la syndique Caroline Champagne, de la Chambre de la sécurité financière, devant le comité de discipline de la profession.

«C'est ainsi que, pour les années 2003 à 2006, E.L. a remis à l'intimé de l'argent comptant pour plus de 1 000 000$ aux fins d'investissements dans le Compte 3350 - Gala (paragraphe 38)», y lit-on.

E.L. sont les initiales d'Éric Lacouture, un chirurgien-dentiste qui se plaint que l'intimé Michel Marcoux lui doit près de 425 000$. M. Lacouture a porté plainte contre Michel Marcoux le 8 février 2013 à l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui a rapidement transmis le dossier à la syndique de la Chambre de la sécurité financière. M. Lacouture poursuit également Marcoux au civil pour ravoir ses fonds.

M. Lacouture détient le compte 3350 sous le pseudonyme Gala dans le paradis fiscal des Bahamas depuis février 2000.

Au téléphone, M. Marcoux nie tout. «M. Lacouture n'a jamais fait ça. Il n'est jamais venu à mon bureau avec de l'argent comptant. L'AMF a fait vérifier nos livres de dépôts pendant 10 ans, il n'y a jamais eu de dépôt de comptant dans nos comptes», soutient-il.

Les allégations de la syndique sont toutefois appuyées par une preuve documentaire considérable que nous avons consultée au Bureau de la sécurité financière, la semaine dernière.

Selon ce qu'allègue la syndique, c'est Michel Marcoux qui a demandé à son client Lacouture de faire des dépôts en argent comptant.

«Tel que recommandé par l'intimé à E.L., ce dernier encaissait des chèques dans un comptoir d'encaissement de chèques instantanés», lit-on au paragraphe 33 de la requête déposée devant le Comité de discipline. «E.L. en a encaissé pour une valeur de plus de 850 000$ entre février 2003 et janvier 2007 (paragraphe 34).

«E.L. se présentait au bureau de l'intimé et lui remettait d'importantes sommes d'argent comptant que l'intimé déposait dans un coffre-fort. (paragraphe 35)

«L'intimé avait expliqué à E.L. que l'argent comptant qu'il lui apportait était par la suite remis en mains propres à d'autres clients Dominion de l'intimé qui désiraient effectuer des retraits de leurs placements en argent comptant. (paragraphe 36)»

En faisant ces deux transactions dans le confort de son bureau à Montréal, le conseiller ne court pas le risque de transporter des valises pleines de billets aux Bahamas par avion. Le conseiller n'a qu'à débiter et créditer les comptes de ses clients à distance et jamais les autorités ne sont informées de l'affaire.

Qui est Michel Marcoux?

Président-fondateur de la firme Avantages Services financiers depuis 1995, Michel Marcoux a été pendant de nombreuses années la référence dans les médias québécois en matière de fonds communs de placement. Il a été collaborateur au quotidien Le Devoir jusqu'en 2008. On le voyait régulièrement à la chaîne Argent, à la télévision.

Il a publié plusieurs livres sur le monde du placement, notamment aux éditions Transcontinental. Son guide annuel Les 100 meilleurs fonds y a été publié pendant plus de 10 ans, jusqu'en 2010. Une autre publication annuelle, Investir en 2011, a pris la relève de la série. L'édition 2012 a été écrite en collaboration avec son fils, Michel-Olivier Marcoux.

On lui doit aussi Comment investir dans les fonds éthiques, en 2008, et L'ABC des fonds mutuels, aux éditions Au Carré en 2006.

Michel Marcoux aussi été chargé de cours pour la Chambre de la sécurité financière, où il a donné un cours sur les fonds communs de placement, pendant de nombreuses années.

Depuis novembre 2010, il agit à titre de représentant de courtier en épargne collective pour le compte de Mérici Services Financiers, de Sherbrooke.

Selon le registre des entreprises, il agit toujours à titre de président de l'Association des courtiers indépendants multidisciplinaires (ACIM), même s'il n'est plus courtier depuis novembre 2010.