Appelé à la barre mercredi, le Français Fabrice Tourre, ex-courtier de Goldman Sachs accusé de fraude, s'est défendu d'avoir voulu induire quiconque en erreur sur un placement financier complexe qu'il mettait en place.

Dans une affaire jugée révélatrice des excès de la finance ayant conduit à la crise, l'autorité des marchés financiers, la SEC, tente de démontrer que le Français, également connu sous le surnom de «Fab le fabuleux», a sciemment induit en erreur des investisseurs.

Il aurait, selon l'accusation, omis de leur indiquer le rôle joué par le fonds spéculatif Paulson dans ce produit conçu début 2007, baptisé Abacus et basé sur des dérivés d'emprunts immobiliers à risque (subprimes), peu avant l'éclatement de la bulle de ces emprunts aux États-Unis.

Le fonds Paulson en avait pourtant influencé le contenu avant de spéculer sur son échec.

Appelé à témoigner au huitième jour de son procès, le Français, vêtu d'un costume sombre rehaussé d'une cravate violette à pois blanc, s'est défendu avec vigueur, n'hésitant pas à reprendre l'avocat de la SEC sur des détails ou à lui demander de répéter ses questions.

Interrompu par le greffier qui n'avait pas compris un de ses propos, il s'est aussi excusé pour son accent français.

Les premiers échanges se sont concentrés sur un courriel envoyé à la société financière américaine ACA, qui a participé avec Paulson à la sélection du contenu d'Abacus avant d'y investir de l'argent, et détaillant la composition du produit financier.

Intérêts opposés

Selon la SEC, ce message pouvait laisser penser à ACA que Paulson allait miser à la hausse sur le placement.

«Je n'ai pas essayé d'embrouiller les idées de qui que ce soit», a assuré le Français, aujourd'hui âgé de 34 ans. Le message «n'était juste pas précis», a-t-il ajouté.

«Il y a-t-il une différence, selon vous, entre imprécis et faux», lui a alors demandé l'avocat de la SEC, Matthew Martens. «Oui», a répondu M. Tourre.

Même s'il a reconnu que les intérêts économiques du fonds Paulson et de la société ACA pouvaient être «opposés», l'un misant sur la réussite du produit financier, l'autre sur son échec, le Français a rappelé que ce genre de paris était une pratique tout à fait ordinaire à Wall Street.

L'avocat de la SEC est ensuite longuement revenu sur un courriel envoyé par une responsable de ACA, Laura Schwartz, à Fabrice Tourre au début de leur collaboration, dans lequel elle évoque la «perspective» de Paulson.

L'interprétation de ce message a fait l'objet de divergences entre l'accusation et la défense.

Pour la SEC, il montre bien qu'ACA était persuadé que Paulson allait parier à la hausse sur le produit.

«Je ne sais pas ce qu'elle a voulu dire» dans son courriel, a répondu M. Tourre tout en reconnaissant n'avoir «pas souvenir» d'avoir tenté quoi que ce soit pour corriger une éventuelle fausse impression.

M. Tourre est le seul accusé du procès qui s'est ouvert la semaine dernière devant un tribunal de Manhattan, son ancien employeur ayant soldé les poursuites à l'amiable avec la SEC pour 550 millions de dollars en 2010.

L'affaire pourrait lui coûter cher: la SEC réclame le remboursement des gains mal acquis, assorti d'une amende.

Il a répondu mercredi pendant environ une heure et demie aux questions de la SEC, qui ont principalement tourné autour de points techniques et de courriels dont M. Tourre, pour la plupart, «ne se souvenait pas». Il doit continuer de témoigner jeudi.