Les prix cibles sont l'un des nombreux éléments sur lesquels les investisseurs devraient se baser pour prendre leurs décisions. Et ils sont publiés pour donner une idée de la direction vers laquelle tendra une action, pas pour être pris au pied de la lettre.

C'est ce que plaide Pierre Lacroix, de Valeurs mobilières Desjardins, le seul analyste à avoir accepté de répondre à nos questions dans le cadre de ce dossier.

De la firme de génie SNC-Lavalin à la société papetière Cascades en passant par le fabricant de poteaux de téléphone Stella-Jones, Pierre Lacroix suit 18 entreprises cotées en Bourse dans le cadre de son travail.

«Ce qu'on essaie de trouver avec le prix cible, c'est une espèce de valeur intrinsèque à l'entreprise, explique-t-il. Une valeur qui ne devrait pas varier avec le sentiment du marché.»

Selon lui, il est donc normal que l'écart entre les prévisions des analystes et l'évolution des actions ait été important au cours des dernières années étant donné la volatilité qui a secoué les marchés boursiers pendant cette période.

Pierre Lacroix explique que lui et ses pairs sont évalués non pas sur la base des prix cibles qu'ils publient, mais sur leur habileté à prédire les profits des entreprises - des chiffres qui dépendent beaucoup moins des humeurs du marché.

Mais pourquoi alors prendre la peine de publier des prix cibles s'ils sont si difficiles à prédire?

«Les prix cibles aident à avoir une bonne évaluation des entreprises, explique M. Lacroix. On espère que nos clients vont s'en servir comme un élément parmi plusieurs autres dans leur prise de décision. Ce qu'on veut démontrer, avec un prix cible, c'est une direction.»

Toutes les autres grandes banques canadiennes qui emploient des analystes ont refusé de commenter le dossier à l'exception de la Banque Nationale, qui conteste notre méthodologie.

«Nous ne sommes pas d'accord avec l'idée d'appliquer une analyse statique à un univers dynamique, explique Claude Breton, porte-parole à la Banque Nationale. Les résultats des entreprises changent, le contexte économique change, les données de l'emploi arrivent... Nous sommes dans un univers dynamique, tout bouge, et il n'y a aucune garantie de réalisation de la prévision.»

Dans ce contexte, pourquoi faire des prévisions?

«Parce que les clients nous demandent ça, répond M. Breton. Les clients, ce qu'ils veulent, c'est une visibilité. Ils veulent savoir si le prix de l'action va à 100$ ou va ailleurs.»