À 87 ans, Stephen Jarislowsky, l'un des gestionnaires de placements les plus connus au Canada, se prépare à passer le flambeau.

Sa firme, Jarislowsky Fraser, a annoncé mardi que le milliardaire quittait son poste de chef de la direction.

Ce n'est pas une personne mais un comité exécutif de quatre associés de l'entreprise qui le remplaceront. Pierre Lapointe, qui travaille avec M. Jarislowsky depuis 27 ans, présidera le comité. Les autres membres seront Erin O'Brien (chef de l'exploitation), Margot Ritchie et Chris Kresic.

Le comité existait déjà, mais il prendra plus d'importance avec le retrait de Stephen Jarislowsky de la gestion quotidienne de l'entreprise.

M. Jarislowsky, qui a fondé Jarislowsky Fraser il y a 57 ans, demeurera président du conseil d'administration de la firme et son actionnaire le plus important.

La firme a assuré mardi que ses clients, pour lesquels elle gère des actifs de plus de 37 milliards $, n'avaient pas à s'inquiéter des changements.

«Je ne connais aucune autre façon de penser que la méthode Jarislowsky Fraser, c'est vraiment une culture qui nous est propre», a déclaré M. Lapointe au cours d'un entretien téléphonique.

«Une chose qui ne changera pas, c'est la façon qu'on évalue les placements et la Bourse, la façon dont on fait de l'analyse fondamentale, a-t-il ajouté. On n'achète pas de titres à risque et ça, ça ne va pas changer. On est les gardiens de cette philosophie-là. Ça restera sacré.»

Selon Pierre Lapointe, l'approche «collégiale» que vient d'adopter Jarislowsky Fraser est «la voie de l'avenir» dans le secteur de la gestion d'actifs.

Deux autres dirigeants de la firme, Len Racioppo et Marc Trottier, ont par ailleurs annoncé mardi leur démission, laquelle entrera en vigueur à la fin de novembre. M. Racioppo préside le comité de stratégie d'investissement.

M. Jarislowsky, qui refuse rarement de parler aux journalistes, n'était pas disponible pour donner des entrevues mardi. M. Lapointe a toutefois soutenu que le coloré personnage n'avait pas l'intention de tirer sa révérence de la vie publique.

Au fil des ans, Stephen Jarislowsky s'est fait remarquer par des commentaires percutants, notamment à l'endroit des souverainistes québécois et des femmes d'affaires.

Considéré par plusieurs comme le Warren Buffet canadien, M. Jarislowsky n'a pas hésité à s'opposer à la vente d'Alcan, d'Inco et de Potash Corporation (TSX:POT). Il a aussi prôné une amélioration de la gouvernance des entreprises cotées en Bourse.

«Je pense que plusieurs pdg canadiens le respectent, a commenté Claude Lamoureux, ancien chef de la direction du Régime de retraite des enseignants de l'Ontario. M. Jarislowsky critique peut-être leur travail, mais ils respectent son opinion parce qu'ils savent qu'il ne le fait pas strictement pour lui-même.»

De son côté, Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance, a dit espérer que d'autres leaders canadiens du monde des affaires oseront parler au nom des petits investisseurs.