Une nouvelle série de scandales financiers aux États-Unis place les autorités américaines sous un jour peu flatteur et apporte encore un peu d'eau au moulin des avocats d'une réglementation financière renforcée, en particulier dans les produits dérivés.

L'affaire des manipulations du taux interbancaire du Libor par la banque britannique Barclays prend de l'ampleur aux États-Unis: le secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner et le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke vont devoir témoigner au Congrès sur le sujet, car trois banques américaines, qu'ils sont sensés surveiller, participent à la fixation de ce taux.

La Fed de New York, responsable de la supervision des grandes banques américaines, assure avoir coopéré à l'enquête des autorités britanniques sur les agissements de Barclays, après avoir été informée dès fin 2007 de «problèmes avec le Libor», mais laisse entendre qu'elle n'avait pas les moyens humains de lancer une enquête en pleine crise financière.

Mercredi, c'est la maison de courtage de dérivés PFGBest qui a fait faillite au lendemain d'une plainte déposée par l'autorité du secteur (CFTC), qui l'accuse d'avoir fait de fausses écritures pour gonfler ses comptes en banque. Résultat: 200 millions de dollars de fonds de clients manquent à l'appel.

Huit mois seulement après la faillite d'une autre grande maison de courtage de dérivés, MF Global, et alors que la CFTC et l'association d'autorégulation du secteur des contrats à terme (NFA) ont examiné en janvier les comptes de 70 sociétés du secteur sans trouver d'irrégularité, leur compétence pose question.

«C'est pourtant le niveau zéro de la comptabilité de ne pas prendre au mot les firmes et de vérifier qu'elles ont dans leurs bilans les fonds qu'elles disent avoir», déplore John Kilduff, un dirigeant de la maison de courtage de dérivés Again Capital.

La banque JPMorgan Chase doit annoncer vendredi l'étendue de ses pertes de courtage dans les dérivés, attendues au moins à 3 milliards de dollars d'après ce qu'a annoncé la banque dès le mois de mai, mais probablement plutôt à 5 milliards de dollars d'après la presse financière.

«Conflits d'intérêt»

Même s'il n'y a aucune indication de fraude et si la banque devrait survivre à cette tempête en raison d'un bilan solide, le constat est cruel pour la Fed de New York, qui dispose de 40 employés présents en permanence chez JPMorgan pour «surveiller les divers aspects de la stabilité financière», d'après une source proche du dossier.

John Kilduff dénonce des «conflits d'intérêt» chez les régulateurs, où les employés «semblent regarder de l'autre côté» quand il y a des fraudes car ils pensent à se recaser dans le secteur financier plus tard. «Ils ne devraient pas avoir le droit de revenir travailler après dans la finance», juge-t-il.

«Nous avons un problème avec les régulateurs qui ont un oeil sur leur prochain emploi et quand ils sont là, ils ne sont pas à la hauteur», renchérit Peter Morici, professeur à l'Université du Maryland.

Les allers-retours entre gouvernement, régulateurs et secteur financier sont légion au plus haut niveau de ces agences gouvernementales.

L'ex-secrétaire au Trésor Henry Paulson est un ancien de Goldman Sachs tout comme l'actuel président de la Fed de New York, William Dudley, et l'ancien secrétaire au Trésor Robert Rubin s'est recyclé chez Citigroup, pour ne citer que quelques cas.

Difficile en tout cas de continuer à affirmer, comme le PDG de JPMorgan Jamie Dimon, que la finance américaine n'a pas besoin d'une réglementation plus serrée, en particulier celle des dérivés, un marché énorme, opaque et peu réglementé.

Il est au coeur de la réforme financière Dodd-Frank votée en 2010, dont la mise en oeuvre concrète piétine.

Les régulateurs eux se défendent en mettant en avant leur manque de moyens.

«Est-ce que nous avons besoin de Dodd-Frank? C'est une question idiote: oui, nous avons besoin de règles. Et nous avons besoin de financements pour les faire respecter», affirmait ainsi mercredi un dirigeant de la CFTC, Bart Chilton.