Les banques américaines subissent depuis plusieurs mois la désaffection des investisseurs, avec des capitalisations boursières pour certaines inférieures à leur valeur comptable, en dépit selon les analystes financiers de leur situation plutôt solide.

À Wall Street, l'indice Standard & Poor's des valeurs bancaires, en reflux de 19% depuis trois mois, est retombé à ses niveaux de l'été 2009.

Et les titres des cinq plus grandes banques américaines, les plus exposées à la crise européenne, ont encore bien plus souffert: -47% pour Bank of America depuis le 5 juillet, -42% pour Citigroup, -37% pour Morgan Stanley, -30% pour Goldman Sachs, -25% pour JPMorgan Chase.

Pour Erik Oja, analyste chez Standard & Poor's, les valeurs bancaires américaines «ont trop baissé», d'autant que globalement les résultats trimestriels qui commenceront à tomber la semaine prochaine s'annoncent bons.

Selon lui, cette conjoncture est «directement liée à la crise de la zone euro pour les plus grandes banques, parce qu'elles peuvent être exposées aux banques européennes, et pour les autres banques c'est indirect: si la crise de la dette européenne s'étend et provoque une récession aux États-Unis, cela surviendra à un très mauvais moment pour les banques américaines, car elles ne se sont pas encore totalement remises de la crise financière de 2008».

Pour ce qui est de l'exposition des grandes banques à la crise européenne, «les données disponibles pour l'évaluer ont d'importantes limites», notait Keith Horowitz, un analyste de Citigroup dans une note publiée mardi.

«Ces deux dernières semaines, l'action Morgan Stanley a chuté de 17%, en partie à cause des peurs liées au risque potentiel d'un défaut de paiement d'une banque française», soulignait-il. Pour l'analyste, le calcul utilisé par la Banque des règlements internationaux (BRI) «surévalue largement» ce risque pour la banque d'affaires en le chiffrant à 28 milliards de dollars au 30 juin.

Il faudrait en fait abaisser ce chiffre grâce à des opérations de couverture et autres garanties prises par la banque. Selon lui, on ramènerait ainsi le risque encouru par Morgan Stanley à une fourchette située entre 1,3 et 2,6 milliards de dollars maximum.

Dans une note publiée lundi, Matthew Burnell, analyste de Wells Fargo, parle aussi de «réaction exagérée» autour de Morgan Stanley, qualifiant de «plausible» le chiffre de 2 milliards de dollars d'exposition avancé par la banque elle-même en juillet.

Globalement, Citigroup a souligné que l'exposition des grandes banques américaines à la crise des pays «PIIGS» (Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne), qu'elles ont elles-mêmes communiquée en juillet, totalisait près de 50 milliards de dollars: 15 milliards de dollars pour Bank of America, 14 pour JPMorgan Chase, 13,5 pour Citigroup, 3,2 pour Wells Fargo, 2 pour Morgan Stanley et 1,9 pour Goldman Sachs.

Richard Bove, analyste chez Rochdale Securities, voit le risque comme minime. Selon lui, «qu'il s'agisse de Bank of America, de Morgan Stanley ou du secteur en général, ces entreprises ont plus de liquidités qu'elles n'en ont eues depuis des dizaines d'années, et elles ont aussi plus de capital».

«Ma théorie c'est que les dettes publiques ne comptent pas, ce qui compte ce sont les faillites des grandes banques» européennes, ajoute M. Bove, interrogé par l'AFP. Or «aucun pays ne va laisser cela arriver», comme le montre déjà l'engagement des autorités belges et françaises à sauver Dexia.

Pour lui, la chute de la capitalisation boursière des banques américaines est avant tout le résultat de spéculations «très profitables».

«C'est très amusant, les gens peuvent gagner plein d'argent, mais en fin de compte cela va s'arrêter», pronostique-t-il. Et en attendant, «les banques n'ont rien besoin de faire. À moins qu'elles aient besoin de capital, mais ce n'est pas le cas».

Le secrétaire au Trésor Timothy Geithner, interrogé jeudi devant une commission du Sénat, est allé dans le même sens.

Par rapport au pic de la crise financière en 2008, «nos établissements, et c'est vrai pour toutes les plus grandes institutions financières des États-Unis, encore une fois, sont dans une position beaucoup plus stable, si on regarde leurs niveaux de fonds propres, leur effet de levier, la façon dont elles se financent, pour supporter les pressions», a-t-il considéré.