Geste de prudence devant les tumultes boursiers? Ou émission d'actions à un prix encore pas trop déprimé? Quoi qu'il en soit, l'achat par la Caisse de dépôt et placement de six millions d'actions de l'Industrielle Alliance (T.IAG), important assureur vie québécois, a été accueilli froidement en Bourse hier.

La transaction de presque 200 millions de dollars, qui fait de la Caisse le principal actionnaire minoritaire de l'assureur vie, a été annoncée en matinée à la surprise générale.

Durant les heures suivantes, alors que la crise financière en Europe bousculait les marchés boursiers, les actions de l'Industrielle Alliance ont reculé de plus de 3% jusqu'à 31,82$. C'était leur prix le plus bas depuis novembre 2010, portant le recul du titre à 24% depuis le sommet en un an de 41,90$ atteint le 31 mai dernier.

L'action a finalement terminé en baisse moins prononcée de 2%, à 32,25$, alors que le secteur financier à la Bourse de Toronto reculait de 1,8%.

«Cette décision des dirigeants de l'Industrielle Alliance traduit leurs préoccupations face à la conjoncture économique», selon Michael Goldberg, analyste des entreprises de services financiers chez Valeurs mobilières Desjardins.

Le prix de clôture des actions de l'Industrielle Alliance s'avère aussi inférieur au prix convenu avec la Caisse de dépôt, soit 33,31$ l'action, avant commission.

Mais à la direction de la Caisse, on fait peu de cas de cette fluctuation de valeur à très court terme. On préfère vanter une acquisition qui pourrait s'avérer rentable à plus long terme.

«L'Industrielle Alliance est un partenaire de longue date de la Caisse. Elle est très bien positionnée pour poursuivre sa croissance en tant que chef de file de l'assurance de personnes au pays», selon Normand Prévost, premier vice-président aux placements privés et chef des opérations à la Caisse de dépôt.

Du point de vue des analystes, c'est l'émission inattendue de six millions d'actions par l'Industrielle Alliance qui dérange les investisseurs.

L'émission de nouvelles actions équivaut à un ajout de 7% environ aux titres que l'assureur vie avait déjà en circulation, ce qui provoquera une dilution de ses futurs bénéfices par action.

À tour de rôle, les analystes se sont d'ailleurs empressés hier de réduire leur prévision de bénéfice par action chez l'Industrielle Alliance.

Pour l'exercice 2011 en cours, ces révisions à la baisse s'échelonnent de 1,5% à 4%. Pour l'an prochain, en 2012, les prévisions sont abaissées de 4% jusqu'à 7,5%.

«Cette émission privée d'actions [à la Caisse de dépôt] est négative du point de vue du bénéfice par action», selon Tom MacKinnon, analyste des assureurs vie chez Marchés des capitaux BMO.

En contrepartie, les analystes reconnaissent le caractère «prudent» de cette transaction de renforcement de capital chez l'Industrielle Alliance, ce qui motive le maintien de recommandations plutôt favorables.

D'autant plus que cet apport de capital survient à un moment où le regain des tumultes boursiers pourrait avoir un impact négatif sur ses prochains résultats, à l'instar des assureurs vie qui ont vendu quantité de fonds d'investissement protégés (ou distincts) à leurs clients.

À ce sujet, le bref communiqué financier publié hier par l'Industrielle Alliance contenait un paragraphe spécifique sur son risque devant une rechute accentuée des marchés boursiers.

Pour l'essentiel, l'assureur vie soutient que son «ratio de solvabilité» demeurera adéquat «tant que l'indice S&P/TSX se situera au-dessus de 9600 points». Ce seuil critique était à 10 600 points avant l'obtention de 200 millions en nouveau capital de la Caisse de dépôt.

«Dans ce contexte, la transaction [avec la Caisse] est prudente afin de rehausser la flexibilité financière de l'Industrielle Alliance en ces temps incertains», souligne l'analyste Tom MacKinnon dans une note à ses clients-investisseurs.

Selon Mario Mendonca, analyste des entreprises financières chez le courtier CanaccordGenuity, le placement privé de la Caisse au capital-actions de l'Industrielle Alliance, même inattendu, est de bon augure.

«Tout indique que ses dirigeants ont décidé de vendre du capital à un bon prix dans le contexte actuel plutôt que de risquer d'avoir à lever du capital plus tard à prix nettement inférieur, si la conjoncture économique et financière devait se détériorer davantage.»