À 60 ans, l'excentrique patron du groupe Virgin refuse de s'asseoir sur ses lauriers. Richard Branson s'apprête à réaliser un vieux rêve: pénétrer le secteur bancaire. Le démon blond parviendra-t-il à réconcilier les Britanniques avec leurs banques?

Richard Branson déposera en juillet une offre d'achat d'environ 5 milliards de dollars canadiens sur 632 succursales du géant britannique Lloyds. S'il remporte la mise, l'entrepreneur aventurier fera un atterrissage remarquable dans le secteur des banques de détail, en accaparant du jour au lendemain 5% du marché.

La restructuration de Lloyds est une occasion rêvée pour l'expansion de sa firme Virgin Money, créée en 1994.

En septembre 2008, Lloyds avait acheté en catastrophe Halifax-Bank of Scotland (HBOS), dont les actions avaient plongé de 37% en trois jours. Dès lors, le nouveau groupe Lloyds possédait 30% des comptes courants en Grande-Bretagne.

Le mammouth bancaire, partiellement nationalisé en mars 2009, est contraint de se départir de 22% de ses branches à la demande des régulateurs européens, soucieux d'encourager la compétitivité.

Virgin Money, qui compte déjà trois millions de clients pour ses produits financiers offerts en ligne, est en bonne posture face à son principal rival, NBNK Investments, propriété de Shell.

Richard Branson, cinquième fortune en Grande-Bretagne, fait valoir son taux de croissance annuel composé de 36% pour courtiser les investisseurs. Le financier américain Wilbur Ross a déjà promis un dépôt de 800 millions de dollars canadiens dans le trésor de guerre.

Le magnat barbu, qui n'en est pas à une cascade près, aimerait également acheter un plus petit joueur: Northern Rock, première banque à être nationalisée à l'aube de la débâcle financière.

Vitesse supérieure

À n'en pas douter, Virgin Money est à un tournant. L'ouverture de 4 comptoirs cette année et de 70 succursales d'ici à 2016 est déjà au programme.

Une entrée en Bourse est également à prévoir. «C'est une nécessité pour obtenir du financement», a expliqué la directrice Jayne-Anne Gadhia au quotidien The Guardian.

Un vétéran se joindra bientôt à elle: l'ancien patron de la banque Nationwide Jonathan Agnew, recruté par Richard Branson.

De toute évidence, c'est du sérieux pour celui qui s'est lancé dans les affaires à l'âge de 16 ans.

L'étendue de son empire dans des secteurs diversifiés, tels que l'aviation, les télécommunications et la course automobile, donne du poids à ses ambitions bancaires. Et sa folie des grandeurs (records Guinness, visées aérospatiales) rapporte des dividendes.

«La marque Virgin est assez forte pour jouer dans la cour des grands», a prédit Mike Fitzgerald, de la firme financière EMBA.

Colère des épargnants

L'image de marque de M. Branson n'est pas à négliger puisque la confiance des petits épargnants envers les banques est au plus bas depuis les nationalisations de 2009.

D'autant plus que les banquiers ont déjà renoué avec les primes au moment où le pays est frappé par la pire cure d'austérité depuis la Seconde Guerre mondiale.

«Ce n'est pas demain que des banquiers seront faits chevaliers par la reine», a écrit Howard Davies, ancien président de la Financial Services Authority, le 1er juin dernier.

Un vent de réforme se lève malgré tout. Le ministre des Finances, George Osborne, a proposé la semaine dernière d'isoler les activités de détail des banques, destinées aux particuliers, de leurs investissements plus risqués.

D'autres mesures devraient être annoncées en septembre, à la publication d'un rapport très attendu d'une commission indépendante.

Dans le climat actuel, c'est le moment où jamais pour Richard Branson «de faire atterrir sa montgolfière rouge dans la cour de Barclays, HSBC et Lloyds», a écrit le chroniqueur de The Observer, Andew Clark, le 29 mai dernier.