La région de Québec perdra bientôt l'une des rares sociétés à fournir du capital de démarrage aux jeunes entreprises. Accès capital Québec, qui a notamment contribué à lancer Louis Garneau et Coveo, se voit couper les vivres par la Caisse de dépôt et placement du Québec qui l'avait mis au monde.

«Nous étions partenaires depuis 1997. Il y a eu plusieurs discussions pour renouveler l'entente, mais elles n'ont pas abouti», a confirmé Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse, qui affirme que les «discussions sont terminées».

Des sources ont parlé de «visions qui ne concordent pas» pour expliquer ce refus.

Les dirigeants d'Accès capital Québec sont extrêmement déçus de la décision et n'hésitent pas à parler d'un «manque de vision» de la part de la Caisse.

«On comprend mal pourquoi la Caisse lâche un groupe qui fonctionnait bien dans un créneau unique, celui des PME et des entreprises en démarrage, alors que plus personne ne veut faire ce type de financement», a laissé tomber Gilles Desharnais, fondateur et directeur associé d'Accès capital Québec.

Accès capital Québec misait sur de jeunes entreprises, essentiellement de la région de Québec, dans l'espoir de les faire grandir. Certains investissements s'apparentaient à du véritable capital-risque et visaient des boîtes technologiques comme Coveo, Teraxion ou Medicago. La société investissait aussi dans des entreprises du secteur plus traditionnel comme Chlorophylle (fabrication de vêtements) et Louis Garneau.

Le premier fonds lancé par la société, dont tous les placements ont été vendus, a enregistré un rendement de 10,2%, selon des chiffres fournis par ses dirigeants. Le deuxième continue de soutenir huit entreprises et présenterait aussi un rendement positif. Quant au troisième fonds, lancé en 2007, son fonctionnement a été perturbé par la fin du fonds Alterinvest, géré par la Caisse et la Banque de développement du Canada (voir plus loin).

Accès Capital Québec tentait de convaincre la Caisse de lancer un quatrième fonds, une initiative qui ne verra pas le jour.

«Je ne comprends pas la logique. Si c'est vrai qu'ils font du rendement, ça veut dire que ça ne coûte rien à la société d'avoir un outil de développement comme celui-là. Regardez juste ce qu'ils ont fait avec Louis Garneau: on parle de smart money», a commenté une source impliquée dans le financement des entreprises québécoises.

La Caisse explique avoir revu sa stratégie d'investissement en régions. Il y a un an, elle s'est unie au Mouvement Desjardins pour investir 600 millions dans les PME du Québec au cours des trois prochaines années.

Oubliez toutefois le soutien des boîtes en démarrage qui doivent investir avant de générer des profits. La Caisse et Desjardins précisent qu'ils investiront seulement dans des «projets offrant une bonne rentabilité, tels des projets d'expansion, de recherche et développement, d'acquisition d'entreprises et d'optimisation de la productivité.»

«Je trouve ça dramatique. Quand le modèle marche, tu ne touches pas à ça!», a déploré Louis Garneau, dont Accès capital Québec a été le tout premier investisseur externe.

«Ces gens ne faisaient pas juste signer des chèques: il y avait une approche humaine, ils conseillaient. Philosophie des affaires, comment investir, comment se comporter... Moi j'avais un bac en arts plastiques! Ces gars-là ont été excessivement importants pour nous», a dit M. Garneau.

Jean Lavigueur, fondateur de plusieurs entreprises dont Coveo, qui emploie maintenant près d'une centaine de personnes à Québec, affirme aussi qu'Accès capital Québec a été la première société à accepter d'investir dans sa société.

«S'ils n'avaient pas investi? On ne serait peut-être pas là aujourd'hui», dit-il, déplorant la rareté du capital de démarrage.

Accès capital Québec a été créé par la Caisse de dépôt et placement du Québec en 1997 dans la foulée du lancement d'Accès capital, un réseau de sociétés régionales destinées à soutenir les entreprises de partout au Québec.

L'affaire accumule cependant rapidement les pertes et est démantelée peu après l'arrivée d'Henri-Paul Rousseau à la tête de la Caisse. La filiale de Québec devient bientôt la dernière survivante du réseau.

Accès capital Québec finira par tomber sous l'aile du fonds d'Alterinvest, cofinancé par la Caisse et la Banque de développement du Canada (BDC). À la fin 2009, la Caisse décide de ne pas renouveler son entente avec la BDC, ce qui sonne le glas d'Alterinvest.

Cette décision affecte le troisième fonds lancé par Accès capital Québec, qui n'a alors déboursé que 17 des 30 millions promis initialement. La société est autorisée à continuer de soutenir les entreprises de son portefeuille, mais doit cesser de faire de nouveaux investissements.

«C'est juste la douzième période de turbulence qu'on traverse depuis 1997, lance Gilles Desharnais. Mais on continue. On cherche d'autres partenaires et on va se battre pour lever un fonds.»