Une entreprise impliquée dans le gaz de schiste. Une autre qui exploite des sables bitumineux. Le contenu du Fonds Environnement Desjardins, qui compte des entreprises comme Suncor, Talisman et Barrick Gold parmi ses principaux investissements, soulève la controverse.

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Georges Tanguay, économiste et professeur de développement durable à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, s'explique mal qu'un fonds qui s'affiche comme vert investisse dans des entreprises dont les activités font les manchettes pour leur impact négatif sur l'environnement.

«Il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans, a-t-il dit en entrevue à La Presse Affaires. Je me demande à quel point ce n'est pas du green washing

Vous ne trouverez effectivement pas de producteur d'énergie renouvelable ou de fabricant de technologies propres parmi les dix titres dominants du Fonds Environnement Desjardins. En lieu et place, on y trouve plutôt trois institutions financières, quatre compagnies minières et deux pétrolières, en plus du fabricant des BlackBerry, RIM.

Des noms comme Suncor, qui exploite des sables bitumineux, ou Talisman, active dans le dossier controversé des gaz de schiste au Québec, font bondir M. Tanguay. Barrick Gold, une minière canadienne régulièrement prise pour cible par les militants environnementaux et sociaux, est aussi du lot.

Le débat est loin d'être nouveau dans l'univers des fonds dits «verts» ou «éthiques». Lors du récent déversement du pétrole dans le golfe du Mexique, La Presse Affaires avait relevé que nombre de fonds d'investissement responsable avait misé leurs billes dans BP, ce qui avait soulevé le débat.

Chez Desjardins, on connaît aussi bien ces questions.

«Ça peut surprendre parce qu'il y a effectivement des secteurs qui peuvent présenter des risques environnementaux plus élevés, notamment l'énergie et les ressources naturelles», convient Rosalie Vendette, conseillère en investissement responsable chez Desjardins.

Dans le cas du Fonds Environnement, Mme Vendette explique qu'à part l'armement, le nucléaire et l'industrie du tabac, aucun secteur industriel n'a été exclu d'emblée, ce qui n'empêche pas une stricte sélection des entreprises qui composent le fonds.

«D'abord, on élimine les compagnies que l'on juge non responsables, explique Mme Vendette. Ensuite, on intervient au niveau du dialogue. On approche les compagnies, on leur transmet nos préoccupations environnementales».

Desjardins fait affaire avec le gestionnaire Fonds Éthiques pour faire ainsi pression sur les entreprises.

Des exemples? Desjardins affirme avoir incité Barrick Gold à nommer un spécialiste de l'environnement dans son conseil d'administration, et a obtenu que Suncor dévoile sa stratégie d'entreprise advenant qu'un prix sur le carbone soit fixé au Canada.

«On ne croit pas que l'exclusion soit une stratégie qui mène à des changements, dit Mme Vendette. Si on n'entame pas le dialogue, qui fera pression pour changer les pratiques?»

Un argumentaire qui ne convainc qu'à moitié Georges Tanguay, de l'UQAM.

«On dit: ces entreprises sont là pour rester, aussi bien travailler avec elles pour changer leurs pratiques. Sauf que ça revient aussi à jouer leur jeu. Quand on me dit que ces entreprises sont vertes et durables, je prends ça avec un grain de sel.»

M. Tanguay se demande si les investisseurs qui choisissent le Fonds Environnement savent vraiment où vont leurs économies.

«Quand on investit dans un fonds vert, je ne suis pas sûr que l'on attende à cela.»

Desjardins réplique que toute l'information est disponible sur son site web et ses prospectus et qu'elle informe les investisseurs des efforts faits auprès des entreprises.

Paul Lanoie, spécialiste de l'économie de l'environnement à HEC Montréal, juge quant à lui l'approche de Desjardins «légitime».

«J'accepte le fait qu'il y a certains secteurs d'activité plus polluants que d'autres et dont on aurait de la difficulté à se passer. Qu'on investisse dans les entreprises les plus performantes et responsables de ces secteurs, je suis ouvert à ça.»