Même si les institutions financières canadiennes ont dans l'ensemble mieux résisté que les américaines et les européennes à la crise financière de 2007 et 2008, elles sont confrontées à deux échéances de taille qui les empêcheront de se reposer sur leurs lauriers.

L'ouverture sur les marchés internationaux les obligera d'abord à adopter les normes internationales d'information financière (International Financial Reporting Standard, IFRS) dès l'an prochain. «Il s'agit d'un défi de taille notamment pour les grands groupes financiers qui doivent harmoniser les normes de leurs diverses entités (activités bancaires, assurances, courtage, etc.)», soulignent Joëlle Noreau et Danny Bélanger, économistes chez Desjardins qui viennent de cosigner une étude spéciale sur les industries financières canadienne et québécoise.

Le principal changement apporté à la présentation des états financiers consiste à compter au bilan des banques et des caisses les prêts titrisés, même s'il s'agit, sur le plan légal, de créances vendues sur le marché sous forme de valeurs mobilières. Environ 30% des prêts hypothécaires sont titrisés au Canada, contre 60% aux États-Unis.

On ne sera pas étonnés dès lors que les institutions américaines ne comptent pas passer à la comptabilité IFRS avant le milieu de la décennie. Non seulement titrise-t-on beaucoup plus chez nos voisins, mais on a surtout titrisé n'importe quoi sur le marché hypothécaire, devenu l'épicentre de la crise financière occidentale.

Les normes IFRS «obligeront probablement les institutions à reconnaître leurs pertes sur prêts encore plus rapidement», estiment les auteurs.

Heureusement, les institutions canadiennes ont peu de mauvais prêts, ce qui leur aura permis de traverser la crise sans aide de l'État. Aux États-Unis, 287 banques ont fait faillite entre le 1er janvier 2007 et le 10 septembre 2010, selon les données de la Federal Deposit Insurance Corporation, citées par les économistes. Au Canada, les faillites les plus récentes remontent à 1985 avec les disparitions de la Nortland Bank de Calgary et la Canadian Commercial Bank d'Edmonton.

Cela dit, les banques canadiennes ne figurent pas parmi les plus sûres, selon le Classement 2010 réalisé par Global Finance. Dans le top 10, on trouve quatre allemandes, trois néerlandaises, une suisse et une française devant la Banque Royale du Canada.

Sans surprise, les auteurs soulignent le rang de Desjardins: 25e au monde et 4e en Amérique du Nord.

L'ouverture aux marchés internationaux obligera par ailleurs les institutions canadiennes à une plus grande productivité que celle exigée dans un marché captif.

Si la concurrence entre banques est moins forte au Canada qu'hors frontières, elle existe malgré tout. Et elle semble attisée par la popularité accrue des credit unions. «Elles sont à tout le moins des compétitrices qui gagnent une clientèle grandissante», écrivent les auteurs. Elles sont 436 d'un océan à l'autre, mais 945 si on inclut les caisses Desjardins hors Québec. Elles géraient l'an dernier 19% des dépôts et 16% des prêts hypothécaires.

Les institutions financières canadiennes, les québécoises en particulier font face à un autre défi qui touche moins leurs concurrentes américaines: le choc démographique.

«L'industrie financière devra réallouer ses effectifs selon les besoins changeants de la population, analysent Mme Noreau et M. Bélanger. Cette transition nécessitera des défis de formation puisque les fonctions opérationnelles migreront encore plus que par le passé vers le rôle-conseil.»

Cela signifie plus d'épargne et de décaissements, mais moins d'emprunts et un engagement dans la passation du flambeau dans un grand nombre de PME familiales.

Cela signifie enfin une concurrence accrue pour la rétention des effectifs, surtout les éléments les plus compétents. «La lutte pour la clientèle et les employés est engagée», concluent les auteurs.