Une audition publique de la Commission d'enquête sur la crise financière (FCIC) américaine à New York mercredi a révélé des pratiques douteuses au sein de l'agence Moody's (MCO) , une institution réputée, prise pour cible.

Cette commission indépendante créée par la loi en mai 2009, et qui doit rendre ses conclusions en décembre, avait choisi d'interroger d'anciens et actuels salariés de la vénérable Moody's, la plus ancienne des agences de notation.

«Moody's a été une usine à "triples A"», la meilleure des notes qui puisse être attribuée à un titre de dette, a affirmé le président de cette commission, Phil Angelides.

En particulier, dans l'activité rentable consistant à noter les titres adossés à des prêts immobiliers, Moody's s'est trompé dans les grandes largeurs, selon l'enquête de la FCIC. Le fameux «Aaa» a été attribué à plus de 9000 titres en 2006, valant 869 milliards de dollars. Depuis, seuls 17% ont gardé cette note.

Trois anciens de la division produits dérivés de Moody's ont fourni des explications à cet échec collectif qui a durablement terni sa réputation.

Le plus virulent d'entre eux, Mark Froeba, a décrit dans son témoignage écrit un fonctionnement dicté par la course aux parts de marché, découlant de l'entrée en Bourse de l'entreprise en 2000.

Il a accusé son supérieur, Brian Clarkson, qui a pris sa retraite en 2008 après avoir «quadruplé la part de marché de Moody's sur le marché des titres adossés à des prêts immobiliers», d'avoir «utilisé l'intimidation pour créer une population docile d'analystes».

Menaçant chaque jour de licencier ses analystes, il aurait, selon M. Froeba, donné aux clients «des raisons de croire que la direction de Moody's soutiendrait si nécessaire les banquiers contre ses propres analystes», incapables alors de garder leur objectivité.

M. Clarkson, qui aurait dû témoigner aux côtés de son accusateur, a été excusé pour raisons de santé. Son témoignage écrit a défendu «l'intégrité (...) sans conteste» des salariés de Moody's.

En outre, M. Froeba a accusé une autre de ses anciens supérieurs, Yuri Yoshizawa, d'avoir menti sous serment devant une commission d'enquête du Sénat en avril en affirmant ne pas se souvenir d'avoir sanctionné des analystes dont s'étaient plaintes des banques clientes de Moody's.

Ancien directeur d'une équipe d'analystes dans les produits dérivés, Eric Kolchinsky a expliqué à la commission qu'il n'avait pas pu faire correctement son travail en raison d'autres mensonges.

Il a affirmé que les banques revendant des titres adossés à des prêts immobiliers lui avaient dissimulé qu'elles conservaient dans des «véhicules» hors bilan des tranches de prêts à la qualité douteuse afin de camoufler la chute de la valeur du titre et retarder la baisse de la note.

«J'ai connu des cas où des banquiers, je pense, me mentaient à propos de l'endroit où (ces prêts, ndlr) étaient placés et je n'ai rien pu faire contre ça», a-t-il dit.

Autre témoin, le milliardaire Warren Buffett, dont le groupe Berkshire Hathaway contrôle 13% de Moody's, a dit qu'il ne se fiait pas aux agences.

«Nous n'utilisons pas les notations. De mon point de vue, ce que nous espérons, ce sont des titres qui ne soient pas notés correctement. Parce que cela nous donnerait une chance, peut-être, de réaliser un profit si nous ne sommes pas d'accord avec la façon dont les agences les notent», a-t-il expliqué.

La loi de réforme de la régulation financière, actuellement discutée entre Sénat et Chambre des représentants, prévoit d'encadrer plus strictement les agences de notation. La Commission européenne a pour sa part proposé mercredi de les faire superviser par une autorité unique dans l'Union.